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Michel Chevallier, l’amour de Rome sine qua non

Michel Chevallier, l’amour de Rome sine qua non

Anaïs Delatour

Journaliste, attaché de presse, puis collaborateur personnel du chancelier du canton de Genève en Suisse, Michel Chevallier signe son premier roman avec Rome est une femme aux Éditions L’Harmattan, publié le 9 octobre 2021. Son auteur nous immerge dans l’Italie fasciste des années 30 : du pouvoir totalitaire, à une quête identitaire et un amour indéfectible pour Rome et les romaines. Interview-retour dans les sombres heures du passé.

Anaïs : Avant ce premier roman, vous êtes passé par le journalisme mais avez aussi flirté avec le monde politique. Vous aviez envie d’autre chose avec la littérature ?

Michel Chevallier : En fait, j’étais frustré ! Le journalisme m’a toujours plu, mais quand j’étais collaborateur personnel du chancelier, j’étais sa plume. Je rédigeais tous ses discours. C’était intéressant mais j’écrivais sous conditions, celle de ne jamais signer par exemple. Il fallait que j’accepte que d’autres mettent leurs noms sur ce que j’avais écrit. Avec ce premier roman, je signe enfin sous mon nom. Je voulais aussi me prouver que je n’étais pas seulement capable d’écrire pour d’autres. Et j’avais cette envie de romancer mon existence.

A. : C’est plus difficile d’écrire un roman qu’un article ou un discours ?

M.C. : Je ne pourrais pas comparer. Il y a des codes à respecter pour écrire un article ou un discours. Le roman, tu ne sais pas forcément où tu veux aller quand tu commences. J’ai commencé très logiquement par le début, par ce cadavre que l’on découvre sur la plage, mais je n’avais aucune idée de qui l’avait tué. Écrire un roman n’est pas plus difficile mais plus long. Et il y a un temps de maturation aussi.

A. : Votre roman est prétexte à une réflexion philosophique sur le totalitarisme, et en particulier le fascisme. Ce sujet vous touche particulièrement ?

M.C. : Je me suis toujours intéressé au fascisme et à la manière dont les êtres humains acceptent la soumission. On peut penser à l’élection de Donald Trump ou de Jair Bolsonaro par exemple, ou même à Éric Zemmour pour être dans l’actualité contemporaine française. Les récits de la soumission choisie m’interpellent énormément sur la manière dont une majorité peut basculer dans un camp totalitaire et comment nous en sommes tous affectés, nos libertés au premier plan. Alors que pourtant, dans le fascisme typiquement, tout n’était qu’images et apparences.

A. : Vous êtes extrêmement précis quand vous parlez de la vie quotidienne totalitaire. Comment vous êtes-vous documenté ?

M.C. : Ma femme est romaine. Donc j’ai déjà un peu parlé avec mon beau-père italien qui est né en 1932. Il m’a raconté comment son propre père était convoqué de temps en temps par la cellule fasciste du quartier pour être cuisiné sur ce qu’il faisait. Ensuite, j’ai une bibliothèque de livres assez fournie sur Rome. J’ai lu énormément de témoignages sur la vie quotidienne de cette période.

Dans la Rome de 1935, traversée par la violence fasciste, Cesare se cherche, entre vestiges impériaux, blancheur marmoréenne des églises, propagande politique et rencontres d’un jour.
A. : Pourquoi avoir choisi Rome comme lieu où se déroule l’action ?

M.C. : Rome est une ville dont on dit, en psychanalyse, qu’elle est surdéterminée. Peu importe où vous creusez, il y a des ruines. C’est une ville avec un passé fort qui la marque de son sceau. Il y a le pouvoir terrestre, le pouvoir religieux avec le Vatican et le pouvoir divin avec des dieux antiques encore très présents. C’est comme si, à Rome, le ciel et la terre se rencontraient, tout comme les époques se croisent. Il y a un matériau extraordinaire rempli d’anecdotes. Toutes les villes n’ont pas cette épaisseur romanesque. D’ailleurs, quasiment toutes les anecdotes de mon livre sont vraies.

A. : Derrière, vous abordez aussi les sentiments, la découverte de la sexualité, la recherche de ses origines. L’histoire n’est-elle pas aussi celle d’une quête identitaire et initiatique pour Cesare ?

M.C. : Totalement ! D’ailleurs, le personnage de Cesare me ressemble. J’ai connu ma femme quand on était jeunes tous les deux, j’ai connu Rome à ce moment-là aussi donc j’ai vécu le côté initiatique. À travers ce roman, j’ai essayé de retrouver les yeux que j’avais quand j’étais plus jeune, de remonter le fil de mon existence. Je pense que de toute façon, on s’interroge tous au cours de notre existence, à des degrés différents, sur nos origines et notre identité.

A. : Vous partagez aussi la même psychologie que Cesare ?

M.C. : Il a une certaine naïveté, ingénuité que je partage avec lui. C’est également quelqu’un de sensible. Et bien sûr, on a aussi en commun d’aimer Rome même si je ne le mets pas dans sa bouche dans le livre, et d’aimer ou d’avoir aimé une ou plusieurs romaines (rires).

Rome est une femme est disponible aux éditions L’Harmattan.

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