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Interview : Peter Peter, une version améliorée de la mélancolie

Interview : Peter Peter, une version améliorée de la mélancolie

Zoé Seignouret

En avril dernier, le québécois Peter Peter dévoilait Conversation, premier extrait de son quatrième et très attendu album Super Comédie produit par Pierrick Devin (Phoenix, Lomepal), Emmanuel Ethier & Aurélien Fradagrada.

Découvert en 2012 avec Une version améliorée de la tristesse, un premier opus enrichi par la mélancolie chevillée au corps de Peter Peter, suivi de Noir Eden en 2017 rythmé par des choix plus pop-électroniques, Peter Peter revient aujourd’hui avec son ultime opus Super Comédie, un projet introspectif et sincère.

Durant un entretien intimiste dans son studio à Paris, nous avons été à la rencontre de l’artiste afin de discuter ensemble de Super Comédie et de ses projets à venir.

Zoé : Salut Peter Peter. Déjà 3 ans depuis la sortie de Noir Eden. Que s’est-il passé entre temps ?

Peter Peter : Tout de suite après Noir Eden je me suis dit que j’allais faire un album assez rapidement et j’ai écrit une douzaine de chansons en 3-4 mois. On est allé à Montréal enregistrer les drums puis on l’a mixé, mais je m’étais déjà lassé des chansons. J’ai décidé de prendre plus de temps. J’ai beaucoup retravaillé les productions à la maison et j’ai fini par faire de meilleures démos avant de retourner en studio. Je suis retourné à Montréal où j’ai terminé le disque avec Emmanuel Ethier qui avait fait Une version améliorée de la tristesse et Pierrick Devin avec qui je travaille depuis Noir Eden.

 

Noir Eden est un album que j’ai toujours considéré comme inachevé car j’ai senti qu’il y avait certaines chansons sur lesquelles j’avais envie de travailler éternellement. Pour moi, Super-Comédie est une œuvre complète.

Z. : On sent une évolution du style entre chaque album. Quels sont les artistes qui t’ont inspiré, toi et ta musique ?

PP. : Noir Eden avait un spectre large composé de chansons comme Nosferatu où j’ai essayé de produire des morceaux dans un style très années 80, inspiré notamment par Michel Berger. J’ai voulu que Super Comédie sonne plus rock, sans impératif commercial, qu’il signe une sorte d’adieu au monde d’hier et au rock des années 90. C’était important de recentrer l’album autour de la guitare car c’est un instrument que je maîtrise. Je voulais que Super Comédie ait quelque chose de plus fragile et de naturel, plus que Noir Eden qui était très orienté pop.

Z. : Tu as travaillé sur l’album avec Pierrick Devin, mais aussi Aurélien Fradagrada et Emmanuel Ethier. Quelles ont été leurs places respectives dans ton projet ?

PP. : On m’a présenté Pierrick Devin avec qui j’ai commencé par collaborer sur Noir Eden pour les morceaux Bien Réel et Damien. Le rôle de Pierrick a vraiment été de comprendre ce que je voulais faire et de superviser l’ensemble de l’album. On a également finalisé ensemble Les mariés ont disparu, Conversation et Commun maintenant.

 

Pour Aurélien Fradagrada (ndlr, du groupe Head On Television), il est arrivé comme une évidence sur le projet. On était ami et on voulait collaborer ensemble depuis quelques temps, alors on a co-écrit Répétition. Il joue sur l’album et m’a même accompagné chez France Inter. Peu de gens arrivent réellement à me « dompter », ça a pourtant été le rôle d’Emmanuel Ethier. c’est quelqu’un en qui j’ai extrêmement confiance, il est rarement neutre et j’avais besoin de ça. Il a réussi à intégrer de nouvelles chansons et à me dire « l’album est terminé. »

Z. Le nom Super Comédie joue sur une note à la fois mélancolique et cynique. Quelle est l’histoire de ce titre ?

PP. : Il y a quelque chose d’assez dichotomique et de multidimensionnel dans le titre : je fais référence à la comédie humaine et à la vie en tant qu’œuvre, comme une pièce de théâtre. C’est un album qui pour moi est à la fois mélancolique et optimiste, je parle beaucoup de sentiments douloureux mais dans les titres Super-Comédie, Résurrection et Essayer, je chante un hymne à la vie.

Z. : Ton album a été enregistré et réalisé des deux côtés de l’Atlantique. Comment te sens-tu à Paris ?

PP. : Paris est une ville inspirante, on s’apprivoise elle et moi, petit à petit. Quant à Montréal, elle me provoque une forme de nostalgie car elle n’est plus ma ville et appartient à un passé. Lorsque j’y retourne, j’ai parfois l’impression que mon empreinte est encore là, pourtant certains endroits ont fermé, je ne croise plus tant de gens que je connaissais.

Z. : Quelle place a eu ta maison de disque Audiogram ?

PP.: Audiogram m’a beaucoup soutenu, mon manager en France a chapeauté le tout et était en communication avec eux, ils m’ont fait confiance et m’ont laissé aller jusqu’au bout sans me presser.

Peter Peter dans son studio parisien © Anoussa Chea
Z. Conversation évoque une discussion avec ta thérapeute. Comment as-tu vécu cette rencontre ?

PP. : Je n’ai commencé à consulter une thérapeute que très récemment. À un moment, j’ai senti que j’avais besoin de parler à d’autres personnes que mon entourage et j’ai fini par arriver dans un salon de consultation où j’ai ressenti du calme et de la bienveillance. Moi, comme dans la chanson je me sentais comme « l’Atlantique coincé dans un coquillage ». Ça a fini par m’inspirer ce morceau que j’ai écrit en sortant de mon rendez-vous.

Z. Entre Conversation qui raconte ta thérapie et Commun maintenant qui aborde un amour obsessionnel, y a t-il une volonté de libérer la parole autour de ces sujets ?

PP. : On parle peu de thérapie ou même de bien-être psychologique, ce n’est pas le discours le plus à la mode. Alors qu’au contraire, je pense qu’il est important de pouvoir en parler librement. Le projet de cet album est aussi de prendre des risques sur des sujets difficilement abordables. Je dévoile ma vulnérabilité et ma fragilité pour montrer aux gens que ça existe et que c’est normal.

 

Je pense qu’on vit à un rythme effréné, et même si Super-Comédie a été composé avant la pandémie, il y a des critiques sociales cachées dans l’album. Commun maintenant évoque la fabulation Instagram et la méthode de séduction moderne. Je n’essaie pas de dire aux gens comment vivre mais j’essaie de développer un regard sur la société.

Z. : Tu développes aussi un regard sur la société avec Répétition : « Sous les masques les visages nus / Se révèlent les uns aux autres aveuglément / […] Combien de jours fus-je coincé chez moi ? ». Était-ce une référence directe à la pandémie ?

PP. : Oscar Wilde disait : « C’est lorsqu’il parle en son nom que l’Homme est le moins lui-même, donnez-lui un masque et il vous dira la vérité. » Répétition reprend cette idée mais je parle ici d’ivresse, du masque que les gens retirent lorsqu’ils s’enivrent et se dévoilent. C’était déjà le sujet dans mon titre Une version améliorée de la tristesse. Je renoue avec ma jeunesse avec une certaine candeur. Le texte ne fait pas directement référence à la pandémie mais c’est le propre d’un texte ouvert, il peut être interprété de différentes façons.

A. : Quels sont tes projets à venir pour cette fin d’année ?

PP. : On travaille sur un live prévu en fin d’année en France organisé par Super. On monte la tournée à deux guitares-voix et un clavier. Ce n’est pas le disque que je pensais défendre avec cette formation car il y a beaucoup de batterie, mais je suis content de le jouer ainsi, et de remettre la guitare au goût du jour. D’ici mai 2021, on espère pouvoir tourner en full band. Un clip est aussi prévu très prochainement.

A. : Ma dernière question est la signature chez Arty Magazine. Quelle est ta définition d’un artiste ?

PP. : Un artiste est quelqu’un qui réussit à partager un univers unique avec le monde. Selon moi, c’est dans l’intégrité de son œuvre que l’on considère un artiste.

Super Comédie est disponible sur Spotify.

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