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Une journée chez Culturebox avec Daphné Bürki et Raphäl Yem

Une journée chez Culturebox avec Daphné Bürki et Raphäl Yem

Marin Woisard

Depuis le 1er février, la chaîne éphémère Culturebox palie à la fermeture des salles de concert et de spectacle avec un accès direct et gratuit à la culture. France Télévisions nous a invités sur le plateau de la quotidienne animée par Daphné Bürki et Raphäl Yem.

Quai André Citroën, à quelques encablures de la Tour Eiffel. On attend sous un soleil radieux face à l’immense building blanc des Studios Rive Gauche, portable à la main, appareil photo en bandoulière. Une porte s’ouvre : la directrice de la communication de France Télévisions nous accueille avec son grand sourire accoutumé, montre patte blanche à la sécurité, et nous entraîne dans une bourrasque de bonne humeur à l’intérieur du mastodonte.

Au bout d’une succession d’escaliers, ponctués de salutations à des collègues croisés à la va-vite, la lumière au bout du tunnel : nous voici arrivés sur le plateau de l’émission quotidienne de Culturebox, présentée par Daphné Bürki et Raphäl Yem. De rapides salutations et nous voilà partis pour les loges.

La première invitée du jour se fait pomponner par une batterie de maquilleurs, sous les grosses loupiotes d’un miroir que l’on compte en dix exemplaires, comme sortis des Feux de la rampe. Son visage s’éclaire dès que l’on pose un pied dans la pièce ; normal, on se connaît bien. C’est Alice & Moi qui s’apprête à entrer en scène. Ou plutôt en plateau, puisque l’émission se fait sans public, Covid oblige.

Alice & Moi dans les loges de France Télévisions ©Anoussa Chea

En tête-à-tête avec Alice & Moi

« Deux, trois questions ? » demande t-on en guise de préambule à Alice & Moi. La chanteuse répond d’un sourire encore plus large qu’à notre arrivée : c’est gagné pour l’interview. Premier fou rire quand il s’agit d’expliquer comment elle est arrivée sur le plateau de Culturebox, et l’incompréhension de quelques secondes sur le sens littéral de la question. Métro ou mobylette ? On n’en saura pas plus. Par contre, sa présence n’est sûrement pas due au hasard puisque la chanteuse connaissait déjà Raphäl Yem : « Pendant le confinement, il faisait des interviews par téléphone sur son Instagram. On a fait une interview ensemble. Je me souviens qu’il était dans son jardin, sa femme passait par là, on discutait de manière hyper détente. » avant d’enchaîner sur son impatience de rencontrer Daphné Bürki. Dans quelques minutes, ce sera chose faite.

On prend aussi des nouvelles de son premier album, Drama, prévu le 21 mai prochain : « J’ai écrit plusieurs chansons pendant le confinement qui ont été ajoutées à l’album en last minute, dont des titres qui ont été enregistrés à la maison » avant d’enchaîner sur son amour pour Vanessa Paradis, la diversité de sa fanbase, ses collaborateurs… Et de se rendre compte qu’elle n’a pas parlé de l’album. Rembobinage : « Je me suis plus lâchée dans l’écriture, j’ai essayé de trouver plein de sonorités et de thèmes différents. J’ai parlé de moi, de mes angoisses, de mon adolescence, de mes rencontres… » et des obsessions passionnelles avec son single Je suis fan.

Je suis fan donc, adapté dans une version acoustique avec Dani Terreur au piano, est celui qu’elle a choisi de jouer pour Culturebox : « Ce n’est pas possible de chanter la version studio de Je suis fan en entier. Je l’ai conçue comme une course, refrains et couplets collés. Au piano, je l’ai aérée pour montrer plus d’émotions. » On se quitte sur ses bonnes paroles ; Alice doit monter en plateau pour son live, et nous en régie pour un café.

Une armée au service de la culture

Direction l’espace presse, entourés d’écrans qui diffusent l’émission en direct, avec une machine à café qui sauve notre journée. On n’est pas les seuls à profiter de la pause : Frédérick Lacroix, producteur pour Culturebox, suit le déroulé de la quotidienne depuis notre QG informel. Dans la pièce voisine, on entend l’équipe de réalisation qui intime les ordres dans les oreillettes des techniciens présents sur le plateau, tout en montant la séquence en direct depuis leur console.

On parle du décor incrusté sur fond vert, recréant une terrasse avec vue évolutive sur les toits d’une ville imaginaire, au milieu de laquelle deux canapés sont simplement posés. Le café est encore chaud que le tournage se termine. Vite, on a rendez-vous avec Daphné Bürki et Raphäl Yem pour recueillir leurs impressions en sortie de plateau.

Daphné revient sur le lancement du projet, conçu pour garder le lien entre les artistes et le public face à la fermeture des salles : « La chaîne et l’habillage ont été montés en une semaine. Ça été une armée de la culture à France Télévisions, ça a tellement motivé tout le monde que les process ont été extrêmement rapides. Normalement ça prend beaucoup plus de temps ne serait-ce que pour faire valider un générique. »

Les deux animateurs ont d’ailleurs été appelés une semaine avant la première : « Ça s’est fait de façon hyper naturelle, il faut dire que c’est tout de suite très intense. Même si les artistes font un peu les malins, plusieurs nous ont avoués qu’ils étaient très émus de remonter sur scène, performer et avoir un mini-public. Ça les touche vraiment » ajoute t-elle.

Raphäl Yem (à gauche) et Daphné Bürki (à droite), les deux colocataires de la quotidienne de Culturebox

Chassé-croisé en backstage

Raphäl témoigne sa fierté d’être partie prenante de l’aventure : « J’étais tellement fier que le service public soutienne les artistes qui sont en galère » et de son duo avec Daphné « c’est la Beyoncé des animatrices, elle ramène du chic, du fun, du sourire et il n’y a aucune hiérarchie entre les projets. »

La fraîcheur indubitable du format, jalousée par de nombreux journalistes étrangers venus en reportage, est aussi permise par sa programmation éclectique : « C’est la première fois que je reçois des messages de gens aussi différents qui viennent me dire : ‘merci, la culture c’est ça aussi.’ On passe par la musique, la danse, les arts du cirque, etc » Daphné ajoute « Cette mixite est à l’image de la culture. La quotidienne a été montée en une semaine, elle n’est pas formatée. Comme l’émission est conçue comme un plan-séquence, sans pauses, il n’y a pas les codes de la télé. »

L’enregistrement d’une seconde quotidienne, diffusée le lendemain, s’apprête à commencer. Retour de notre odyssée dans les couloirs, où l’on croise Alice & Moi sur le départ, soulagée après sa performance, avant de rencontrer Kaky et son équipe entre deux portes : « J’ai sorti mon single qui s’appelle Voyage de Nuit, je l’adapte dans un guitare-voix intimiste pour la télé. » Dans l’attente de pouvoir remonter sur scène avec si possible un public debout – puisse Roselyne Bachelot nous entendre, l’artiste a sorti le 12 mai dernier son EP Room 404, du numéro de sa chambre d’étudiant où il a été composé. Sur le plateau, instrumentation dépouillée et émotions à fleur de peau, Kaky estomaque de talent.

Kaky, interprétation dépouillée et sentiments à fleur de peau, sur le plateau de Culturebox ©Anoussa Chea

Direction la sortie

La prestation est suivie du « girl band » persan Atine, qui faisait vibrer l’Iran d’hier et d’aujourd’hui avec leur disque Persiennes D’Iran, sorti en novembre 2020. Le voyage au fil des ruissellements emmêlés de la viole de gambe, du qanûn et du târ est total : « Sur le moment, on joue pour les techniciens et les maquilleuses. C’est automatique dans une situation de représentation, on joue pour les gens qui sont autour. » Et de partager leur concert rêvé : « Jouer en Iran ou en Palestine, et partout où le projet puisse être présenté. Quand on crée un groupe, on a envie que les gens le découvrent et l’écoutent. » Mission réussie pour Culturebox : plus de 13 millions de téléspectateurs se réunissent chaque semaine devant leur poste, selon Médiamétrie.

D’Alice & Moi à Kaky et Atine, sans oublier les humoristes, danseurs et chorégraphes invités sur les deux quotidiennes, Culturebox témoigne d’une passion plurielle et inclusive pour la culture. Pas étonnant quand on sait que la rédaction en chef est assurée par Damien Cabrespines, journaliste et réalisateur, qui a longtemps fait ses armes sur le Grand Journal. Il est l’heure de se dire au revoir. Harassés sous nos masques mais heureux de voir que la culture existe toujours, on se claque les coudes, comme autrefois la bise.

Le labyrinthe des Studios Rive Gauche n’a plus de secret, on retrouve la sortie en deux temps trois mouvements. Dehors, il fait nuit. Mais quelque part au bout de longs couloirs blancs, sur les écrans de télévision et dans un player web, la lumière de la culture brille toujours.

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