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Daniel Bertrand : rencontre avec un éditeur de best-sellers

Daniel Bertrand : rencontre avec un éditeur de best-sellers

Anaïs Delatour

Dans le milieu de l’édition, Daniel Bertrand a fait ses armes depuis longtemps. C’est après 25 ans d’expérience et son propre groupe d’édition que l’éditeur, passé par les éditions internationales Stanké, souhaite s’implanter en France.

Interview avec un éditeur passé maître dans la fabrique des best-sellers, si l’on en croit le succès québécois des Éditeurs Réunis et des éditions JCL qui forment le groupe Bertrand.

Anaïs : Vous êtes dans le milieu de l’édition depuis 1997 et avez monté votre propre groupe, Bertrand Éditeurs, en 2016. Aujourd’hui, c’est quoi le groupe Bertrand ?

Daniel Bertrand : Tout a commencé en 2007 quand je rachète Les Éditeurs Réunis qui était une société constituée pour un projet précis, celui de faire un livre à compte d’auteur. Quand je la rachète, ma maison d’édition ne servait plus à rien. Les Éditeurs Réunis ont ensuite connu un succès populaire et commercial très important. Comme on avait atteint un certain plafond depuis quelques années, j’ai fait l’acquisition en 2016 des éditions JCL, qui existent depuis près de 50 ans, pour pouvoir continuer à croître. C’est aussi à ce moment-là que j’ai fondé le groupe Bertrand Éditeurs pour avoir sous ce même chapeau Les Éditeurs Réunis et Les Éditions JCL.

A. : Vous êtes spécialisé dans la littérature féminine et le roman historique. C’est au choix de ces segments spécifiques que vous devez votre succès ?

D.B. : Absolument. Commercialement parlant, ce sont des segments qui marchent très bien. Surtout le roman historique, qui est dans une collection que l’on appelle le roman d’époque. Mais attention, ce ne sont pas des romans qui donnent des cours d’histoire mais vraiment des romans pour se faire du bien. Cependant, nous n’avons pas toujours proposé du roman historique.

A. : Ah bon ? Par quoi avez-vous commencé ?

D.B. : On a commencé essentiellement avec des essais, des trucs un peu chocs qui plaisaient beaucoup à la presse, sur l’hyper-sexualisation des adolescentes par exemple. Aujourd’hui, ces thèmes paraissent évidents mais en 2007, ils bousculaient un peu les conventions. Mais si nous étions beaucoup relayés dans la presse, les ventes ne suivaient pas trop. Et le roman historique a quant à lui fonctionné très vite, très fort.

A. : J’ai vu que la plupart des titres que vous publiez en romans d’époque se retrouvent parmi les best-sellers des librairies. Comment sélectionnez-vous les manuscrits ?

D.B. : La promesse de nos livres est qu’ils vont vous faire du bien. C’est comme si vous vous achetiez une boîte de chocolats en vous achetant un livre de chez nous. Vous savez que vous allez passer un bon moment. Nos lectrices reconnaissent les collections et la marque de la maison. Normalement, on ne déçoit pas.

A. : D’ailleurs, avez-vous une idée de votre public de lecteurs ?

D.B. : Oh oui, c’est très clair ! Nous avons 90% de femmes de 40 à 100 ans ! Et quelques-unes de 20 à 40 ans, mais nettement moins.

A. : Et qu’est-ce qui fait un bon roman historique ?

D.B. : Un roman qui parle du terroir. Le succès de ce type de titres est avant tout local, régional. Il est plus rare que des auteurs, comme Marie-Bernadette Dupuy, connaissent un succès sur toute la France. Avec le roman-série et le roman sentimental, nous voulons aussi apporter le terroir du Québec, qui bénéficie d’ailleurs d’une cote d’amour très grande en France. Entre Céline Dion et Xavier Dolan, je crois qu’on a eu de bons ambassadeurs (rires).

A. : Comment vous êtes-vous rendu compte qu’il y avait possiblement un marché pour vous en France ?

D.B. : On faisait quelques ventes marginales en France quand les gens commandaient nos livres sur Internet quand nous n’avions pas de réelle diffusion. On s’est donc dit qu’il y avait quand même un peu d’intérêt. Alors, nous avons d’abord vendu les droits à un éditeur français en touchant un pourcentage sur les ventes. Puis, nous nous sommes surtout acoquinés avec Interforum qui est probablement le plus gros groupe de diffusion en France. On n’arrive donc pas comme un joueur mineur mais comme un acteur déjà présenté dans le catalogue d’Interforum. Et ce n’est pas une petite porte.

A. : Vous commencez donc à vous implanter en France. Quelles sont les différences entre l’édition au Canada et l’édition en France ?

D.B. : Tout est 10 fois plus gros déjà. Il y a 10 fois plus de lecteurs en France qu’au Québec francophone, 10 fois plus d’éditeurs et 10 fois plus d’auteurs. Nous arrivons comme une petite goutte d’eau dans l’océan et allons tenter d’exister face à des groupes comme Hachette. Mais, je suis convaincu qu’il y a toujours de la place pour de l’ingéniosité. Je me dis aussi que quand j’ai commencé au Québec, je n’étais rien et que j’ai quand même réussi à m’implanter. Cela étant dit, il y a quand même beaucoup de défis à relever.

A. : Lesquels ?

D.B. : On sait que le produit est là, nous sommes plutôt confiants sur cet aspect. Le défi est plutôt de mettre le livre dans les mains des lectrices, qu’elles en prennent connaissance, qu’elles les aiment et qu’elles en achètent d’autres. Une fois que le public est conquis, on sait que l’on peut continuer à livrer la marchandise. Il faut aussi communiquer pour se faire une réputation auprès des libraires. C’est finalement toute la chaîne du livre qu’il faut convaincre. On travaille en collaboration avec les diffuseurs qui présentent les livres aux libraires, qui les proposent ensuite à notre lectorat.

A. : Où aimeriez-vous en être dans 5 ans ?

D.B. : Nous nous sommes implantés en France en pleine pandémie, même si l’on ne commence à communiquer que maintenant, en présentant une dizaine de titres par an contre 50 au Canada. Si nous réussissons à apprivoiser le lectorat, nous aimerions présenter 40 à 50% de notre offre québécoise en France.

A. : Nous allons plus particulièrement parler de deux livres : L’univers de Constance Prévost d’Amélie Vallée qui sort en avril et Les filles de joie de Lise Simoes-Antunes au mois de mai. Pour quelle raison ces deux autrices vont fonctionner en France ?

D.B. : Je pense que typiquement, avec ces deux livres, les différences culturelles entre le Québec et la France ne sont pas très importantes donc les lectrices ne vont pas être perdues. Ils sont également très bien écrits. Et ce sont des livres qui font du bien !

A. : J’ai l’impression que ce sont aussi deux livres qui représentent bien votre catalogue.

D.B. : Tout à fait. Par exemple, le scénario type d’Amélie Vallée, c’est la fille un peu gaffeuse et indépendante, avec un cercle d’amis qui se forme et un intérêt amoureux duquel elle passe complètement à côté tout le long du livre et à la fin, c’est une happy end.

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