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L’ordinaire étrangeté de Paris à travers l’objectif d’Henry Kenyon

L’ordinaire étrangeté de Paris à travers l’objectif d’Henry Kenyon

Marin Woisard
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Le street photographe Henry Kenyon a sillonné Paris avec son appareil en bandoulière pour capturer les passants, leurs petites habitudes et leurs étrangetés quotidiennes. Rendez-vous pour le vernissage de son exposition « Coïncidences » au LeStudio Club vendredi 18 octobre.

Coïncidences est bien plus qu’une expo : c’est une somme d’instants volés. Ces instants dont on se souvient seulement si Henry Kenyon est dans les parages, ces petites habitudes qui définissent notre caractère, ces choses fugaces qui sont aussi vite oubliées, et qui forment, mises bout à bout, la poésie de notre capitale bouillonnante. Henry Kenyon trace sur son vélo pour capturer notre quotidien au vol : une parisienne qui suspend son linge à la fenêtre, un SDF les pieds à l’air près d’un VLIB, un boulanger accoudé chez Paul, ou un chauffeur uber qui s’accorde une sieste entre deux courses. Ces fragments de vie auxquels on ne prête même plus attention, le photographe anglais nous les donne à voir sous une nouvelle perspective.

Un vélo à toute berzingue et un appareil en bandoulière : voilà Henry Kenyon qui prépare sa nouvelle série

Henry Kenyon ne sort pas de nul part. On t’épargnera la liste de ses clients (à part si tu nous donnes 48H), mais le street photographe a collaboré avec le Guardian, Daily Mail Online, Tatler, Martha Stewart, Spiked Online, Kronen Zeitung en tant que reporter. Et un journal japonais non-traduit dont on ne saurait pas épeler le nom. Avec 7 expos à son actif depuis 2014, le renard des murs s’est fait connaître pour sa série de portraits de femmes mathématiciennes de l’Université Cambridge, plébiscitée ici et ailleurs. À travers son objectif, il va chercher la vulnérabilité et la solitude, le bizarre et l’ordinaire, les moments de joie et de désolation. Quelle meilleure ville que Paris pour y trouver son compte ? Nous, en tout cas, on aurait bien aimé notre petit portrait volé.

Des teintes à la posture, on dirait le contrechamp de La Repasseuse de Georges Antoine van Zevenberghen
Marin : Hello Henry. Peux-tu te présenter en 3 emojis ? Tu nous expliques leur signification ?

Henry Kenyon : J’espère pouvoir m’exprimer de manière plus élaborée qu’avec des emojis (rires).

En vrai, j’utiliserais ces trois là : 😒😒😒. Quand j’étudiais le photo-journalisme et la photographie documentaire au London College of Communication, on les utilisait pour tout exprimer : le dégoût, l’ennui, la fatigue… Finalement ça en devenait drôle parce que ça ne voulait plus rien dire.

[NDLR : Bon OK Henry, t’as un peu triché en utilisant trois emojis identiques, mais on tolère pour cette fois.]
La multiplicité des plans qui se mêlent dans le flou créent la sensation de l’instant volé
M. T’as travaillé en Grande-Bretagne, mais aussi aux États-Unis et en France. Qu’est-ce que tu préfères photographier dans chaque pays ?

H.K. Et bien chaque pays a une grande ville similaire : Londres, Paris et New York. J’ai beaucoup visité New York et Paris, particulièrement l’année dernière, et je vis à Londres. Ce qui m’a toujours surpris, partout où je voyage, c’est la similitude. Je pense qu’il est assez courant que les gens insistent sur les différences entre ces villes et que, grâce à ces stéréotypes (les new-yorkais et les parisiens sont très stéréotypés), il est plus facile de se détacher d’une culture quand on n’est pas vraiment en lien avec ses habitants. Mais si on arrive quelque part avec la même hypothèse que tout le monde a besoin de manger, de dormir, de trouver probablement l’amour et de se sentir en sécurité, on trouve automatiquement quelque chose de fondamental que l’on peut utiliser pour se connecter avec quelqu’un d’autre.

Cette réponse est longue pour te dire ça : je cherche les mêmes choses dans chaque pays : amour, bonheur, appétit, fatigue, stress, les gens qui retournent chez eux et ceux qui n’en ont pas. Des différences fascinantes apparaissent quand la même espèce (nous, les humains) peut développer des particularités qui les rendent distincts. Mais fondamentalement, nous sommes les mêmes et c’est mon principal intérêt, où que je sois.

« Les gens qui rentrent chez eux et ceux qui n’en ont pas »
M. T’es connu en tant que photojournaliste pour de nombreuses publications du Guardian, Daily Mail Online, Tatler, Martha Stewart, Spiked Online, ou Kronen Zeitung. Quelle serait ta photo préférée ?

H.K. Ma photo préférée a été prise à Montmartre mais elle n’apparaît pas dans la sélection finale de l’exposition. Quand je la regarde, j’entends un orchestre puissant qui joue dans ma tête :

Le plus drôle dans cette histoire, c’est que la rédaction est située 200 mètres plus loin. True story.
M. Et si je te donnais maintenant un billet d’avion, t’irais où depuis Roissy CDG ?

H.K. Mon principe est que je ne prends pas l’avion si je peux m’y rendre autrement. Mais si on me donnait un billet de train, je partirais probablement pour l’Inde. Et une fois en Inde, je continuerais de voyager en train parce que les trains font partie intégrante de la société et des infrastructures indiennes, ils sont si riches en histoire.

Il reste aussi l’option du Uber, mais on risque de ne pas arriver de sitôt
M. Revenons maintenant à nos moutons parisiens. La plupart des photos de ta série date de mai. Qu’as-tu particulièrement aimé à cette époque?

H.K. Et bien en mai, la lumière de l’après-midi et du soir est fantastique. Il fait encore jour au coucher du soleil, sans aucun ombre marquée pendant environ une heure et plus. Étends ta main un soir de mai, et déplace toi de là où t’es, la lumière et l’ombre ne changeront presque pas.

La lumière radieuse du mois de mai
M. Du mois de mai et tout au long de l’année, tu nous immerges dans le quotidien parisien à travers des regards et des petits moments dont personne ne se souvient. Qu’est-ce qui te fait appuyer sur l’obturateur ?

H.K. Je suis naturellement attiré par des choses qui ne ressemblent pas à mon quotidien. Ça pourrait me desservir dans les choses que je trouve intéressantes et que je regarde plus longtemps que d’autres. Mais ça va. Nous sommes tous des êtres humains avec leur point de vue, alors je me laisse guider de cette manière à travers la ville. La curiosité doit commencer quelque part alors j’essaie de ne pas la contraindre. Ça peut être une personne d’une autre culture, d’un autre pays, avec une action ou un contexte dont je ne suis pas familier, comme les personnes sans-abri.

Le contexte fait tout le sel des photos d’Henry Kenyon
M. Quel appareil photo utilises-tu habituellement ?

H.K. J’utilise actuellement un Canon 30V avec un objectif 50 mm.

M. Et quelle photo enverrais-tu dans l’espace pour présenter l’humanité aux aliens ?

H.K. Je choisirais celle-ci car elle montre le rire, la solidarité et la communauté, ainsi que le bonheur et la convivialité, ce qui, à mon avis, est une juste représentation des humains à leur meilleur.

M. Ma dernière question est notre signature chez Arty Magazine. Quelle serait ta définition d’un artiste ?

H.K. Chaque être humain et chaque chose vivante est un artiste. Chaque action que nous faisons et chaque pensée que nous avons est de l’art, la seule différence est que nous l’apprécions cette action ou cette idée de manière subjective.

EXPOSITION : COÏNCIDENCES

Vernissage le vendredi 18 Octobre
LeStudio Club, 38-40 Rue de la Victoire, 75009 Paris
Entrée libre

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