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« Dune » : le messie selon Denis Villeneuve

« Dune » : le messie selon Denis Villeneuve

Olivier Fade

Il y a près d’un an que nous l’attendions : Dune, par Denis Villeneuve, avec un Paul Atréides plus vrai que nature. Le film a remporté un succès fou à toutes les avant-premières que Warner Bros. a pu organiser. Alors, Dune est-il effectivement le film de l’année ?

L’histoire de Paul Atreides, jeune homme aussi doué que brillant, voué à connaître un destin hors du commun qui le dépasse totalement. Car s’il veut préserver l’avenir de sa famille et de son peuple, il devra se rendre sur la planète la plus dangereuse de l’univers – la seule à même de fournir la ressource la plus précieuse au monde, capable de décupler la puissance de l’humanité. Tandis que des forces maléfiques se disputent le contrôle de cette planète, seuls ceux qui parviennent à dominer leur peur pourront survivre…

On n’aurait pu rêver meilleur casting : les deux phénomènes du moment, dont on sait qu’ils seront toujours là dans vingt ans

Mais si, on te dit !

La grande interrogation de cette nouvelle adaptation cinématographique de Dune, la saga de science fiction la plus vendue de tous les temps, c’était de savoir si le film pouvait finalement se rendre un peu plus digeste et accessible « tout public » que le bouquin. Car le livre de Frank Herbert, s’il est beaucoup de choses, n’est en rien didactique. Il faut de la patience et une certaine abnégation pour y entrer et s’immerger complètement dans l’univers proposé par l’auteur. Ce que semble avoir tout à fait intégré Denis Villeneuve, qui aura redoublé d’efforts dans les premières scènes d’exposition et ainsi docilement pris le spectateur par la main. Tout ce dont on pouvait avoir peur, autant dans le langage que dans l’univers diégétique et visuel, est balayé d’un revers de la main par un cinéaste conscient de l’ampleur du matériau qu’il tient dans son champ de vision.

Autant le confirmer rapidement, pour celles et ceux qui en doutaient, Dune est bien l’expérience cinéma de l’année, sans commune mesure avec le reste des sorties certes mises à mal par la (fin de ?) pandémie. D’abord en tant que film de science-fiction, cela va sans dire. Visuellement parfaite et belle à se damner, l’arène choisie par Denis Villeneuve reprend les couleurs chères aux plus beaux plans de Blade Runner 2049, qui lui, s’il souffrait d’une éventuelle comparaison – à tort ou à raison – avec son illustre prédécesseur, ne pouvait nécessairement donner au réalisateur la puissance nouvelle d’une adaptation ex nihilo. Ici, Villeneuve et son directeur photo s’en sont donnés à cœur joie sur les jeux de lumière, du jour et de la nuit, pour rendre hommage à l’importance du cycle journalier de l’œuvre originale.

Les plus grands vers des sables sur Arrakis peuvent atteindre près de 400 mètres de long. Soit une course de 43 secondes et 3 dixièmes pour l’actuel recordman du monde, Wayde Van Niekerk

Aboutissement et consécration

La grande force de Dune, outre la prouesse technologique époustouflante, réside probablement dans la gestion de son rythme. On aura rarement vu 2h35 s’écouler aussi vite – ce qu’on appelle également « l’effet Boogie Nights » théorisé par Paul Thomas Anderson en 1997. D’explications en dialogues d’exposition, Dune la planète ne s’offre à notre vue que plutôt tardivement. Une fois installés, les Atréides et leur chemin de croix ne laisseront que peu de véritables temps morts narratifs. L’action comme les instants de plongée psychique chers à l’œuvre littéraire sont appuyés et mis en valeur par l’immense partition d’un Hans Zimmer qui retrouve les sommets de la trilogie Dark Knight et Interstellar. Les basses sourdes, les grondements, le thème vocal aux accents indigènes : la musique est omniprésente, ambiante et ponctuelle – elle force l’immersion avec puissance et passion.

Denis Villeneuve était-il né pour Dune ? Les champs visuels et colorimétriques d’Incendies et Blade Runner 2049 ; la gestion de l’espace de Premier Contact ; les jeux de regards, dialogues et relations de Prisoners ; Dune, en tant que saga, nouvelle et renouvelée, pourrait être le point d’orgue de ce déchaînement créatif auquel le canadien nous a dorénavant habitués. De son plus récent chef d’œuvre, les bouleversements d’échelle sont à couper le souffle. L’immensité d’Arrakis, le poids et le respect que la planète impose à ses habitants et nouveaux arrivants : toute la philosophie des bouquins de Frank Herbert – la conquête de Dune et sa transformation – est ici mise en scène et en images d’une manière qui frôle l’indécence. Chacun des comédiens l’a compris, et tous y vont de leur plus belle composition – on a une affection particulière pour Stellan Skarsgård qui en impose en Baron Harkonnen et tient sa maison comme Xerxès en son temps tenait son armée.

Non, tu ne rêves pas, c’est bien un Jason Momoa rasé, là, au premier plan. Comme quoi le film est vraiment exceptionnel

Parce qu’il faut se plaindre…

S’il fallait donner quelques points négatifs, on regrettera, à l’instar de notre ami Lloyd Chéry, que certains personnages secondaires n’aient qu’un très court passage devant la caméra. L’ampleur de la tâche n’était certes pas à prendre à la légère, et contenter tout le monde sur un tel projet relevait évidemment de l’impossible. Cependant, Denis Villeneuve ne rend tout de même pas le meilleur des hommages aux superbes incarnations de Chen Chang (The Grandmaster, The Assassin), qu’on adore en Dr. Yueh ; ou David Dastmalchian (notre cher Polka-Dot Man dans The Suicide Squad) dans le rôle de Piter de Vries.

Également, on regrette une certaine absence de notre petit phénomène Zendaya, qui n’aura finalement tourné que 4 jours pour son rôle de Chani, et on comprend pourquoi. En divisant le 1er tome en deux parties, Denis Villeneuve s’est coupé d’un panel de personnages vaguement introduits ici, mais qu’on n’aura de cesse d’attendre dans la Part. 2 qui nous est promise en début de projection. Le dernier dialogue de Chani ne nous laisse pas le moindre doute : « Ce n’est que le début ». Le film pourra laisser cette impression d’inachevé, par une trop grande exposition, et surtout, au vu des multiples reports de sortie et des campagnes marketings autour, le sentiment d’un « beaucoup de bruit pour finalement nous faire languir de son successeur. » Des plaintes en demi-mesure pour un chef d’œuvre qui est, lui, totalement assumé.

DUNE
Réalisé par Denis Villeneuve
Avec Timothée Chalamet, Rebecca Ferguson, Jason Momoa, Josh Brolin
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