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« Pinocchio » : notre critique sans nez long

« Pinocchio » : notre critique sans nez long

Amélie Delamotte

Avec une filmographie comme celle de Garrone, on est naturellement amené à se demander : un Pinocchio à la Gomorra, ça donne quoi ? La question restera sans réponse. Contrairement à ses films précédents tels que Reality, Tale of Tales ou plus récemment Dogman, Garrone réalise ici une comédie, sa première, un film pour les enfants ET pour les adultes.

Premier défi : comment raconter de façon inédite une histoire qui fait partie de l’imaginaire commun ? Réponse : en restant le plus fidèle possible au texte de Carlo Collodi. Paradoxalement, avec toutes les adaptations majoritairement libres faites de ce conte, Garrone nous prouve que le raconter tel qu’il a été écrit reste la meilleure manière de réussir à surprendre un public qui croit pourtant déjà connaître l’histoire. Défi relevé haut la main, on se surprend à découvrir régulièrement de nouveaux éléments du conte et on passe un délicieux moment.

Au-delà de l’écriture, Garrone a également choisi de rester fidèle au récit à travers ses choix de mise en scène, notamment pour les décors. Après une longue recherche à travers l’Italie, Garrone et son équipe ont jeté leur dévolu sur Tenuta La Fratta à Sinalunga dans la région de Sienne, un lieu dont le charme atypique est très fidèle à l’image de la Toscane de Collodi dans le Pinocchio original. Garrone étant lui même initié à la peinture, art auquel il s’est un temps pleinement consacré avant de connaitre le succès avec son premier court métrage Silhouette, il n’est pas étonnant qu’il ait parfaitement réussi à installer tout au long du film une ambiance similaire à ses sources d’inspiration : l’Italie paysanne de la fin du XIXe siècle dépeinte par les photos d’Alinari, les peintres tel que Macchiaioli, les illustrateurs semblables à Enrico Mazzanti… Chaque séquence est un enchantement pour les yeux, une complète immersion au cœur de tableaux grandioses.

En immersion au cœur de tableaux grandioses

Son casting n’en est pas moins intéressant, avec Roberto Benigni dans le rôle de Geppetto, plutôt rigolo comme choix quand on sait que l’acteur jouait en 2002 le personnage de Pinocchio dans le film du même titre dont il est également l’auteur. Quant à Pinocchio, il est campé par le jeune Frederico Lelapi, âgé seulement de 8 ans et déjà très prometteur. Tous les personnages sont joués par des comédiens italiens, on retrouve d’ailleurs dans le rôle de la petite fée enfant l’actrice qui jouait la fille de Marcello dans Dogman, également réalisé par Garrone. Néanmoins, la petite fée devenue adulte est le seul personnage à être interprété par une actrice étrangère, la française Marine Vacth, dont la beauté transcende tout au long du film. Les costumes sont en eux-mêmes des œuvres d’art, à l’image de la photographie picturale du film.

Une féerie tout feu tout flamme

Le cinéma de Garrone n’est pas tendre, alors comment est-il passé d’un film noir comme Dogman en 2018, à seulement deux ans plus tard, Pinocchio ? Tale of Tales, ce long métrage également signé Garrone inspiré par le Conte des contes de Giambattista Basile, a été le déclic. Pour la première fois, l’italien a approché l’univers fantastique et / ou féérique des contes ainsi que les problèmes techniques qui accompagnent leur mise en scène pour le grand écran. S’en sont suivis quatre ans de recherche, dont une longue pause pour Dogman, pour en arriver à cette version de Pinocchio. Mais pourquoi Pinocchio ? Garrone semble être très attaché à ce conte depuis plusieurs années, il avoue d’ailleurs pouvoir faire des parallèles entre ses films précédents et le conte de Collodi : le cricket dans Reality, le personnage de Marcello dans Dogman qui devient invisible pour ses camarades de football lui faisant ressentir un désespoir similaire à celui que ressent Pinocchio lorsqu’il n’est plus reconnu, ou encore Gomorra, un conte sur une enfance violée, un monde parallèle similaire à une jungle où l’on ne distingue ni bien ni mal, d’ailleurs le personnage de Piselli, très maigre, représente une sorte de petit Pinocchio.

À consommer sans modération par les petits et les plus grands

On connaissait Garrone en tant que génie du film noir, d’histoire dure, organique et poignante, notamment avec son indémodable Gomorra. Avec Pinocchio, il nous prouve qu’il est bien plus qu’un camaïeu d’une couleur, il est un nuancier complet du spectre émotionnel humain. Il nous fait rire, nous inquiète, nous tient en haleine, mais également nous impressionne et nous fait rêver. Pinocchio est un pur délice, une pâtisserie faite maison dégustée un dimanche après-midi ensoleillé, à consommer sans modération par les petits et les plus grands.

PINOCCHIO
Réalisé par Matteo Garrone
Avec Roberto Benigni, Federico Ielapi, Gigi Proietti
Disponible sur Amazon Prime

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