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Qui est Brö, la rappeuse de l’amour réaliste ?

Marin Woisard

Remarquée en 2019 au tremplin STRIT-IT, la jeune Brö érige patiemment son univers désinhibé single après single, en parlant de son thème phare : les garçons.

Est-ce qu’il faudrait s’interdire son penchant décomplexé pour les garçons quand les notions de virilité abusive et de sexisme ordinaire agitent régulièrement les polémiques, tant sur les réseaux sociaux qu’à la télé ? Surtout pas. Encore moins à travers un univers rap féminin, riche d’influences pop, House et RnB, qui affirme sans tabous la liberté de rentrer avec qui l’on veut, où et quand cela nous chante. Une bonne tatane dans les oreilles des machistes que Brö porte haut et fort à travers des textes inspirés.

C’est ce que parvient à faire la rappeuse Brö, alias Elisa Brolli, dans un élan urbain porté aux nues en 2019 avec son premier EP, Klaus, du nom du garçon fictif à qui elle le dédie. Celle qui se définit comme une « féministe par principe » saupoudre ses textes de la ronde quotidienne des rencontres, dans un esprit faussement insouciant, au croisement d’impulsions intimes et du besoin d’émancipation d’une jeunesse en quête de sens. Brö saisit mieux que quiconque le subconscient de sa génération en renversant les codes virilistes de la culture lascar, ce gangsta-rap qui valorise l’expression masculine et objetise les femmes.

De l’insouciance à l’introspection

Si ses textes sont limpides dans le supermarché des rencontres éphémères de Bonsoir, ou dans l’introspection égoïste d’Aime-moi, c’est le double clip réalisé par Sacha Fuze pour BTP/Chaos qui met le doigt là où il faut – le « oigt » comme le chante Elisa. En ouverture, le premier single appelle à lâcher prise et « bouger son panier » avec une frénésie uptempo qui animerait n’importe quelle préchauffe de soirée étudiante. Après les éclats frivoles, la piste de danse se vide et amène Brö sur le terrain de l’émotion, en parlant de l’absurdité du monde et des difficultés de la vie de femme. Une phrase en suspens, placée entre les deux titres, nous cueille par son émotion à fleur de peau : « Avec le temps, j’ai pris conscience de la puissance de mon désir. »

Le diptyque innovant dans sa tension visuelle et musicale n’a pas été son plus grand succès en terme de vues – faute sans doutes à un timing particulier, en décembre 2020, plus d’un an après la sortie de Klaus. Mais il préfigurait la suite de ses aventures avec une série de singles tout aussi travaillés, cette fois avec l’appui du réalisateur Jean-Charles Charavin (Lonepsi, NTO, Kazy Lambist, Yseult), qui propulse la rappeuse dans une autre dimension – celle des révélations de la scène indépendante française. Avec Jupe, Brö s’affranchit de toute langue de bois, totalement décomplexée sur une production haletante, et reprend la structure de BTP/Chaos : la montée du plaisir suivie du retour sur Terre face au jugement des autres.

Un quotidien à fleur de peau

Reprenant le même décor en huit clos, le clip de Mauvais Rôle illustre le climax de ses obsessions amoureuses. Ou comment condenser les thématiques évoquées dans ses précédents singles, sans tomber dans le pathos, avec une complainte générationnelle incandescente : le désir d’être aimée (Aime-Moi), la liberté des coups d’un soir (Bonsoir), le regard des autres (Jupe), l’addiction à la boisson… Que Brö affronte sur un ring face à elle-même. Deux clips qui en appelleront trois autres, toujours avec le même postulat esthétique, en attendant la sortie de son nouvel EP Cassandre qui devrait émerger dans le courant de l’année.

Après avoir fêté les 100k vues du clip de Bonsoir, qui compte autant de streams sur Spotify, la rappeuse au style désinhibé a aussi fait mouche auprès des pros, puisque le Chantier des Francos l’a intégrée dans sa sélection 2021. Craquons l’allumette pour que les prémisses de cette passion aboutisse sur l’émergence d’un grand talent. Nous, on a déjà fait nos paris.

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