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« Garçon chiffon » ou le vague à l’âme sublimé par Nicolas Maury

« Garçon chiffon » ou le vague à l’âme sublimé par Nicolas Maury

Camille Castres

Quand la mélancolie s’acoquine délicieusement avec le burlesque, ça donne Garçon Chiffon, titre du premier film de Nicolas Maury. L’acteur-réalisateur campe un comédien à fleur de peau, en proie à un monde qu’il juge insensible et féroce. Pour se rabibocher avec la vie, le vibrionnant Jérémie part se ressourcer chez sa mère dans le Limousin.

Teinture rousse et coupe au bol, démarche chaloupée et regard presque affolé… Derrière cette nouvelle dégaine se cache une silhouette bien familière pour tous les fans de Dix pour cent. Aujourd’hui, c’est en tant que réalisateur que l’ancien élève du Conservatoire d’Art Dramatique de Paris tente de nous surprendre, également auteur de cette œuvre labellisée Cannes 2020.

Un univers intime, drôle et mélancolique, également satirique

Nicolas Maury apporte une vision toute personnelle dans ce premier long-métrage. Entrer dans ce film, c’est entrer dans son univers. L’acteur, qui a tourné avec Philippe Garrel et Olivier Assayas, a le mérite d’être entier, lui-même. Chez le mélancolique et lunaire Jérémie, on devine des traits de la personnalité du délicat et maladroit Nicolas Maury. Ce dernier se plaît à entrer dans la peau d’un trentenaire écorché vif dont les émotions épousent un dialogue corporel savoureux.

« Pour sortir de ma tristounette aigue, je rêve d’un papier peint moins déprimant »

L’acteur-réalisateur dont le cœur fait les montagnes russes, est tout en gestuelle. Son corps – pas très gracieux, comparé aux Apollons qu’il fréquente – s’exprime pleinement. Il se dandine, court, hésite, se casse la gueule. Nicolas Maury semble se dévoiler, se mettre à nu (au sens figuré comme au sens propre). La maladresse, presque cartoonesque, de Jérémie est touchante car elle accompagne son hypersensibilité, qui se révèle parfois un véritable handicap. Sans la prétention d’avoir réalisé une critique sociale, Nicolas Maury esquisse la difficulté de trouver sa place sur Terre, surtout pour un comédien à fleur de peau. En filigrane pointe donc une délicieuse satire du milieu du cinéma français où les excuses bidons de certains cinéastes rivalisent avec des pétages de plomb mémorables (mention spéciale à Laure Calamy). Dans ce film, il est question de la difficulté de percer en tant qu’artiste dans un milieu où la compétition est impitoyable, les choix arbitraires, la confiance en soi vacillante.

Un film prometteur qui ne gomme pas certains écueils

Devant Garçon Chiffon, on sourit souvent, on rit parfois franchement. Certaines répliques y sont cinglantes, déroutantes et bien ciselées. Il y a pourtant un “je-ne-sais-quoi” qui cloche : comme une prometteuse mélodie, dont l’un des instruments serait quelque peu mal accordé. Le rythme du film semble plus d’une fois en panne, comme s’il s’articulait davantage autour de petites saynètes qui peuvent manquer d’étoffe. Certaines peinent à s’enchaîner avec le dynamisme que l’on aimerait voir dans ce genre de film.

Plutôt cool d’avoir Nathalie Baye comme mère

Il aurait été également réjouissant de voir davantage l’acteur principal en interaction avec les autres personnages, surtout sa mère (Nathalie Baye, formidable). L’affiche même du film donne l’impression que le duo Maury-Baye donnera le « la » de ce long-métrage avec de beaux moments de complicité. La frustration est présente puisque Nicolas Maury navigue ici beaucoup en solo, usant souvent de gros plans. Noble volonté de témoigner de ses émotions ou délire narcissique de l’artiste ?

Malgré cette dent dure, on recommande ce premier long-métrage qui t’embarquera dans une belle aventure émotionnelle tragi-comique.  Par les temps qui courent, ça fait du bien !

GARCON CHIFFON

Réalisé par Nicolas Maury
Avec Nicolas Maury, Nathalie Baye, Arnaud Valois
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