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Cookie Kalkair fait souffler un vent « De Polyamour et d’eau fraîche »

Anaïs Delatour

Après Pénis de Table sorti en 2018, l’auteur français de bandes dessinées Cookie Kalkair revient avec De Polyamour et d’eau fraîche, sortie jeudi 16 septembre dernier et co-écrite avec sa femme Elsa et leur ex-petite amie Tina.

Les trois complices se sont inspirés de leur vie en trouple et de leurs diverses expériences polyamoureuses pour livrer leurs inspirants témoignages et écrire De Polyamour et d’eau fraîche. Elsa et Tina ont répondu à toutes les questions que je me suis posée…

« Jalousie, amour, sexe, rupture : (presque) toutes les questions qu’on se pose sur le polyamour trouvent leur réponse dans cette BD futée » : Cookie Kalkair est validé par Madmoizelle
Anaïs : À quand remonte la première fois où vous vous intéressez au polyamour ?

Tina : Je me suis intéressée au polyamour en discutant avec des amis polyamoureux. Je n’avais jamais rencontré quelqu’un qui l’était. Puis, j’ai rencontré Cookie et Elsa et nous avons commencé une relation ensemble.

 

Elsa : Avec Cookie, on a toujours été un couple ouvert. Au départ, on a commencé par ouvrir notre couple à des expériences sexuelles, uniquement avec d’autres femmes. Et avec les années, on a de plus en plus ouvert notre couple jusqu’à avoir des relations amoureuses avec d’autres personnes chacun de notre côté. Il arrive aussi que l’on partage des partenaires.

A. : Vous décidez ensuite de co-écrire une BD à trois mains sur ce sujet du polyamour. Comment l’idée vous est-elle venue ?

E. : Cookie était toujours en train de faire des petits croquis de nous à la maison. Puis un jour, il en a posté un sur Instagram. Il voyageait pour le travail, il était dans un avion et nous a dessiné toutes les deux, ses deux amoureuses. Les gens ont adoré ce dessin. Et Cookie en a posté de plus en plus. L’idée de la BD est venue quand les gens ont commencé à nous poser plein de questions sur notre relation. On recevait tellement de questions qu’on a décidé de prendre les plus fréquentes, y compris celles de nos cercles d’amis, et d’en faire une BD.

A. : Et vous aviez toutes les réponses ?

T. : Non ! L’exercice était intéressant pour nous car il y avait des questions que nous nous posions vraiment sur lesquelles on a pu méditer et qui nous ont fait grandir. Nous avons appris en partageant notre expérience.

A. : C’est vrai que la BD est construite autour de votre expérience, vous êtes vous-mêmes les personnages des parties illustrées. C’était un choix de votre part ?

E. : Nous voulions vraiment faire un témoignage plutôt qu’un guide ou un livre éducatif. Nous n’avons pas cette ambition-là. Nous souhaitions juste partager notre expérience en espérant qu’elle aidera d’autres gens. Et Cookie a décidé de faire un storyboard et de nous mettre en scène dans des petites histoires pour illustrer les questions que l’on avait choisi de traiter.

A. : En même temps, n’aviez-vous pas peur d’exposer votre intimité ?

E. : Pas vraiment. En fait, nous n’exposons pas réellement notre intimité. On a toujours essayé de généraliser le plus possible même quand nous parlons de sexe ou de plans à trois. Nous n’allons jamais dans les détails.

 

T. : Je pense aussi que nous sommes trois personnes sexpositives et que nous ne diabolisons pas le sexe. Au contraire, nous en parlons naturellement. Après tout, le sexe fait partie de la vie et de l’amour !

Elsa : « La plupart des gens ont tendance à penser que l’amour est une ressource limitée. Que l’on a qu’un seul cœur, et donc une seule réserve d’affection »
A. : Le polyamour excite énormément la curiosité des gens. Peut-être est-ce parce qu’il existe peu de livres sur le sujet

T. : En fait, il existe des choses académiques et denses sur le sujet. Le polyamour n’est pas quelque chose de nouveau. Nous avons simplement essayé, à notre niveau, de faire comprendre des idées complexes à travers quelque chose de plus léger.

A. : Mais aussi, le polyamour est source de curiosité parce qu’il reste peu commun…

E. : C’est certain ! Quoique… La BD est aussi là pour faire réaliser aux gens qu’il y a peut-être autre chose que la monogamie. Il y a plein de gens qui sont polyamoureux, ou en tout cas non monogames, sans le savoir juste parce qu’on ne leur a jamais appris qu’il pouvait être autre chose. Voire on leur a dit qu’être non monogame était mal, grave ou encore que t’étais quelqu’un en qui on ne pouvait pas faire confiance parce que tu avais peur de l’engagement. Finalement, la BD peut tout autant servir à des gens polyamoureux pour qu’ils règlent leurs problèmes du quotidien qu’à ouvrir des possibilités à des gens non-monogames.

A. : D’ailleurs, vous donnez la définition du polyamour. Quelles sont les choses les plus farfelues que l’on vous ai dites sur le polyamour ?

E. : Qu’il était lié à une peur de l’engagement, au fait que ton couple va mal ou encore qu’il sert à pimenter ta sexualité. Ce sont les choses les plus basiques que j’ai entendu. Mais, ce sont des choses avancées par des gens hyper hétéro-normatifs le plus souvent. Bon après, il y a aussi le truc que tu es une salope ou une nymphe quand tu as plusieurs partenaires. La plupart des gens ont du mal à imaginer que l’on puisse avoir de l’amour pour plusieurs personnes. Chez les gens monogames, il y a aussi la notion de quantité, c’est-à-dire qu’on m’a souvent posé la question de savoir si j’aimais plus Cookie ou Tina. Pour moi, ce n’est pas comparable.

A. : Vous parlez de non-monogamie éthique, qui englobe plusieurs types de relations non-monogames, notamment le polyamour, le trouple ou encore la polyfidélité. Pourquoi éthique ?

E. : Déjà, il y a peut-être autant de non-monogamies différentes qu’il y a de couples non-monogames. La partie éthique renvoie au respect des souhaits et des limites de tous les partenaires impliqués dans la relation. Cela passe principalement par de la communication honnête avec ses partenaires et avec soi-même.

A. : Inversement, existe-t-il aussi une non-monogamie non-éthique ?

T. : Oui, par exemple quand une personne dépasse les frontières établies ou encore à des relations sexuelles avec d’autres sans le dire à son partenaire. En tout cas, pour nous, cela aurait été tricher parce que ce n’est pas ce sur quoi l’on s’était entendus. Après, chacun définit ses propres limites.

Tina : « Je pense que nos parents ne nous ont pas donné la meilleure image de la monogamie, et aujourd’hui on tente de trouver un modèle de relation plus sain et respectueux »
A. : Vous explorez la question de la non-monogamie. Pensez-vous quand même qu’il est possible d’être amoureux et de rester toute sa vie avec la même personne ?

E. : Tu peux aimer quelqu’un toute ta vie mais je ne pense pas que tu sois obligé d’en aimer qu’une seule. Je pense que tu peux aimer toute ta vie plusieurs personnes. Pour moi, l’idée d’avoir une seule personne qui va subvenir à tous mes besoins : physiques, intellectuels, sociaux… à tous les moments de ma vie, jusqu’à la fin de mes jours, c’est mettre beaucoup de pression sur une seule personne ! Et moi-même, je ne suis pas cette personne-là. Il y a des moments où je ne peux pas subvenir à tout, je ne suis pas surhumaine. Je trouve que c’est une vraie force de couple que d’avouer à son partenaire que parfois on ne peut pas être là pour lui. Par contre, je ne vais pas le priver d’aller le rechercher avec quelqu’un d’autre. J’ai envie que mes partenaires soient épanouis. Ça, c’est de l’amour !

A. : Mais n’est-ce pas dur de déconstruire les notions de jalousie, de possessivité, ou encore d’appartenance que cela peut engendrer ?

T. : Nous sommes sans cesse en déconstruction. C’est un travail permanent. Et je pense que cette déconstruction sera là pour le reste de notre vie. Parce qu’il faut déconstruire tout ce que la société nous a appris. La jalousie par exemple.

A. : Vous n’êtes jamais jalouses ?

E. : Si, ce n’est pas parce que tu es non-monogame que tu n’es pas jaloux. Il faut juste se demander si on l’est pour de bonnes raisons mais la jalousie provient souvent de constructions sociales que l’on t’a imposé depuis toujours. Ne nous dit-on pas depuis l’enfance que de montrer de la jalousie est une preuve d’amour ? Quelle horrible preuve d’amour ! Cela ne peut pas être sain. Même s’il m’arrive évidemment d’être jalouse ou possessive. Je pense parfois avoir déconstruit une situation par exemple et je vais pourtant me retrouver démunie quand elle me tombe vraiment dessus.

A. : Finalement, peut-on vivre de polyamour et d’eau fraîche ?

E. : Je pense que oui si tu es prêt à faire un travail de déconstruction de tout ce que l’on t’as appris sur les relations et sur l’amour. Il faut être également prêt à véritablement communiquer avec ton ou tes partenaires. Il ne faut pas dire quelque chose à ton partenaire pour le rassurer mais lui dire ce que tu te dis à toi intérieurement. Quoi qu’il en soit, le polyamour n’est pas quelque chose d’inné. Aujourd’hui, il n’y a ni codes, ni règles. C’est à nous de les créer. Dans ce contexte, il faut être prêt à faire des essais et des erreurs.

 

T. : Mais, la communication n’est pas si facile parce qu’étrangement, les gens ont peur d’être honnêtes les uns avec les autres.

De Polyamour et d’eau fraîche est disponible en commande chez la FNAC.

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