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Que faut-il penser du retour de Claire Laffut avec « Hiroshima » ?

Que faut-il penser du retour de Claire Laffut avec « Hiroshima » ?

Marin Woisard

Révélée en 2018 avec Vérité, l’artiste belge prend un virage offensivement pop pour le premier single de son album à venir, Hiroshima. Décryptage.

Le 5 mars 2018, le tout-Paris avait sur les lèvres cette vidéo d’une belge de 23 ans découverte sur YouTube, Claire Laffut et sa Vérité. La voix enfantine et les voyelles traînantes n’avaient rien pour en faire un tube, pourtant la sincérité de son clip tourné dans un 35 mètres carrés parisien et son introduction timide « Bonjour, je m’appelle Claire Laffut, j’ai vingt-trois ans, j’habite à Paris mais je suis belge, qu’est-ce que je dois faire ? » ont récolté 7 millions de vues – bien utiles pour lancer une carrière sur les chapeaux de roue. Le 9 novembre suivait un EP, Mojo.

Loin de se cantonner à l’image de femme-enfant promue par Vérité, Claire Laffut est curieuse d’art et entrepreneuse chevronnée quand on découvre sa palette de talents qu’elle distingue avec ses deux comptes Instagram, le sien et celui de son studio. À la fois peintre, directrice artistique, mannequin, créatrice de tatouages éphémères et désormais chanteuse, Claire s’improvise cheffe d’orchestre quand il s’agit de synthétiser ses activités avec le clip solaire d’Étrange Mélange inspiré par le Douanier Rousseau, qui symbolisait l’été dernier l’accomplissement d’une artiste totale, à l’aise avec son environnement et ses domaines d’expression.

Les chorégraphies sont magnifiquement orchestrées par le belge Nick Coutsier, qui compte parmi ses collaborateurs Marine Serre, le Ballet Royal de Flandre et Beyoncé.

Même équipe, nouvelle direction

La pop candide et féline de Laffut pouvait nous porter quand elle avait l’humilité de ses artifices. Aujourd’hui, l’artillerie lourde de son single Hiroshima, prémisse de son premier album Bleu attendu pour le 3 septembre, révèle une identité qui semblerait l’éloigner de sa recherche d’avant-garde. La débauche de moyens de son clip sous un voile déjà aperçu chez Requin Chagrin et London Grammar, son retour à la danse qu’elle avait abandonné au profit du dessin suite à une blessure et la production estivale ne s’inscrivent plus dans l’innocence des débuts. Pour satisfaire une audience plus large ?

Pourtant, son entourage reste sensiblement le même. Au son et à la production, Gaspard Murphy embarque pour un second tour de manège, mais sans Tristan Salvati qui avait signé les accords exotiques de Mojo. Murphy, chanteur attitré du duo Ofenbach, semble avoir puisé les sonorités tropicales de Hiroshima chez le duo deep-house. À la réalisation, les esthètes Alexandre Brisa (Gare du Nord) et Jean-Charles Charavin (Nudes) laissent place à la réalisation dynamique de Julien Malegue et Antoine Mayet de Global, capables du pire (Servis de Squeezie) comme du meilleur (911 d’Ichon). Au mix, Pierre Juarez remplace au pied levé Salvati après son départ. Le traditionnel jeu des chaises musicales ne semble pas justifier un changement de cap majeur.

Spécialiste de la réalité virtuelle, Andy Picci est à l’œuvre derrière les lettres liquides d’Hiroshima

Pour quelle caution artistique ?

Ce qui interroge le plus, est la référence sans équivoque au poème d’amour crépusculaire Hiroshima Mon Amour d’Alain Resnais, écrit par Marguerite Duras, que le titre du single s’approprie en toutes lettres sans en extraire le substrat poétique. Si le sound design des balles du morceau s’y réfère clairement, les cendres d’Hiroshima sont une passerelle pour Claire Laffut afin d’évoquer une expérience amoureuse néfaste, qu’elle exorcise de ses accords efficaces. Dans le film Hiroshima Mon Amour, Duras faisait gagner la diction sur l’action, Resnais la bande-son sur l’image et chez Laffut une frénésie enlevée l’emporte.

La caution artistique qui constituait l’ADN de la chanteuse questionne avec Hiroshima. Sa voix mutine a laissé place à un chant affirmé, ses peintures ont disparu au profit d’un travail d’équipe uniformisé et les références artistiques semblent davantage relever de l’opportunisme – bien que la pochette de l’album promette de renouer avec son travail d’artiste-peintre. Indéniablement, Hiroshima est moins clivant que Mojo, Gare du Nord ou Vérité. Mais reconnaît t-on la patte habituellement si sensible de Claire Laffut ? La question n’est plus de savoir si l’artiste a réussi son retour, performant à bien des égards, mais si son premier disque sera l’affirmation d’une chanteuse singulière.

Bleu de Claire Laffut est attendu le 3 septembre.

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