fbpx

DJ Mehdi, 10 ans déjà

Marin Woisard

Activiste du rap des années 90, passeur musical sans œillères et figure de la French Touch, DJ Mehdi s’était injustement éteint dans un accident le 13 septembre 2011. Son héritage réunissant hip-hop et électro est lui toujours bien vivant.

Mardi 13 septembre 2011, autour de 2H30. DJ Mehdi est assis sur la mezzanine de son appartement du XIème appartement parisien avec plusieurs amis dont DJ Riton – avec qui il avait co-fondé Carte Blanche, avant que le plancher en verre ne cède et l’entraîne dans une longue et tragique chute de sept à huit mètres. Hospitalisé à Lariboisière, Mehdi Favéris-Essadi décède quelques heures plus tard à l’âge de 34 ans.

Dans un tweet écrit bien plus tard après la tragédie, Riton confie que « nous étions tous pliés de rire 1/2 seconde avant l’accident ». À cette évocation, difficile de ne pas imaginer la joie communicative de l’artiste toujours prompt à aller vers l’autre. Maigre consolation, DJ Mehdi s’en est donc allé le sourire aux lèvres…

Très vite, de nombreux artistes ont tenu à lui rendre hommage et célébrer son travail : Kery James, Cut Killer, Daft Punk, Pedro Winter, Laurent Garnier, Roffh ou encore A-Trak, Drake et Pharrell Williams de l’autre côté de l’Atlantique. DJ Mehdi, loin d’être le simple artisan d’un genre, avait en effet fédéré autour de son ouverture d’esprit, en tissant des passerelles entre le hip-hop et l’électro que personne n’avait franchies jusqu’alors.

Prince des platines

Originaire de Gennevilliers, DJ Mehdi a rapidement gravi les échelons du rap game des années 90, en jouant des platines pour Different Teep et Ideal J avant de rejoindre le collectif du Val de Marne Mafia K’1 Fry. Devenu producteur attitré du 113, le « prod » Mehdi amène le collectif des MJC des Hauts-de-Seine aux lumières des Victoires de la Musique avec l’album Les Princes de la ville.  Sa marque de fabrique : une dextérité hors-normes de sampleur.

Porté aux nues pour son travail sur le classique parmi les classiques Les Princes de la ville, Mehdi offre une approche aérienne et inspirée par les standards des années 60/70, mêlée aux désillusions sociales du quotidien que rappe le 113 en littérature de rue : la mélodie de cordes emportée par la rythmique effrénée du titre éponyme, à l’arpège filtré de guitare du galvanisant Les regrets restent.

Rétrospectivement, la passerelle avec l’électro, genre roi des passionnés du sample, relèverait presque de l’évidence pour ceux qui connaissaient le producteur, curieux de tout et avide de rencontres. Pour le Mehdi de 25 ans aux oreilles sans œillères, la rencontre avec Philippe Zdar de Cassius et la production de son album solo (The Story of) Espion en 2002 ont confirmé son appétence pour ce nouveau bac à sable.

Ed Banger, à l’envie et à la vie

En 2006, le changement de cap vers les terres électroniques était entériné : Mehdi a signé sur la maison Ed Banger de l’emblématique Pedro Winter, ancien manager des Daft Punk. Sortaient alors coup sur coup l’insolent Lucky Boy en 2006, passade digitale bardée de tubes parmi lesquels I Am Somebody et Signature, puis l’indétrônable Red Black and Blue en 2009, appel joyeux à la tolérance où l’on pourrait entendre résonner les rires de Mehdi.

DJ Mehdi ne faisait aucun mystère sur sa famille de naissance et celle d’adoption, confiant en interview : « J’ai l’impression d’appartenir au mouvement hip-hop en général, parce que je suis dedans depuis tellement jeune. Pour (…) la French Touch, il s’agit de rencontres. C’était des gens que j’aimais bien et à ce titre je me suis intéressé à leur musique et elle m’a aussi plu. »

En 2010, le producteur achevait de marquer définitivement son temps avec Carte Blanche, le duo fondé avec le DJ anglais Riton, qui rendait hommage aux pionniers afro-américains de la House Music avec deux EP monumentalement dansants : Black Billionaires suivi de White Man On The Moon en 2011.

Amour du partage, rendu en retour

Virtuose des platines, influenceur du son rap des années 90 et architecte de la French Touch 2.0, DJ Mehdi a embrassé la musique dans sa diversité avec une curiosité sans cesse renouvelée, qu’il parvenait à communiquer au sein de ses DJ Sets où se mêlaient les rutilantes turbines de Carte Blanche avec les tubes old-school de Mafia K’1 Fry.

Il fallait voir Mehdi aux platines, les yeux emplis de plaisir et la bouche grand ouverte, comme un marathonien arrivant à la ligne des 42, décochant autant de sourires que de bras levés de ses amis et du public. Si le sien n’est plus qu’un souvenir – à chérir précieusement, le nôtre à l’écoute de son œuvre est toujours intact.

© 2023 Arty Magazine. Tous droits réservés.

Retourner au sommet