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Home Ciné #19 : « Reflets dans un œil d’or », la déroute d’un couple en scission

Home Ciné #19 : « Reflets dans un œil d’or », la déroute d’un couple en scission

Damien D. Richard

Pendant toute la durée du semi-confinement et des salles fermées, Arty Magazine te propose ses Home Ciné, un lieu convivial où nos rédacteurs et journalistes présenteront leurs films préférés. Ceux qu’ils ont vu à 6 ans, qu’ils ont découvert suite à leur première rupture amoureuse, qu’ils dévorent avec un paquet de chips chaque dimanche soir depuis dix ans… Bref, tous ces films de leur vie qu’ils souhaiteraient te faire découvrir, là, maintenant.

Aujourd’hui, Damien nous présente Reflets dans un œil d’or, de John Huston, 1967.

Fun fact : Des photos de Marlon Brando habillé en major Penderton ont été utilisées, 12 ans plus tard, par les producteurs d’Apocalypse Now, qui avaient besoin de photos de Brando plus jeune pour les inclure dans les états de services du jeune colonel Walter Kurtz

Les prémisses du Nouvel Hollywood

Reflet dans un œil d’or est une œuvre avant-gardiste qui annonce de façon admirable le flamboiement du Nouvel Hollywood, alors sur le point d’émerger. Sorti en 1967 au États-Unis, le film, bien qu’accompagné par Marlon Brando et Elizabeth Taylor, deux grandes vedettes de l’époque, reçoit un accueil timoré au box-office et est vivement critiqué par la presse qui le considère comme une farce aussi grotesque que maniérée.

Le projet de John Huston (plus connu pour avoir réalisé Le Faucon Maltais) est pourtant tout sauf caricatural, et aborde avec une économie d’écriture aussi sobre que singulière des sujets brûlants pour une Amérique au bord de la révolution culturelle. Dans une base militaire de Géorgie, on retrouve un couple dysfonctionnel composé du commandant Weldon (Brando), impuissant face à son homosexualité refoulée, et son épouse Leonora (Taylor), qui s’est elle résignée à trouver son plaisir auprès du lieutenant Langdon, un homme marié apparemment bien dans sa peau, dont la propre femme est néanmoins au bord du suicide après la mort précoce de leur enfant. Au milieu de ce quatuor douloureusement névrosé, un élément va bouleverser leur équilibre déjà précaire : le soldat Williams dont la présence semble autant troubler Hudson que Leonora.

À l’origine, Montgomery Clift devait interpréter le major Penderton, mais affaibli par de longues années de maladie, les assurances refusaient de s’engager. Son amie Elizabeth Taylor renonça à son salaire pour lui assurer le rôle. L’acteur mourut d’une crise cardiaque peu avant le tournage et fut remplacé au pied levé par Marlon Brando

Deux stars à contre-emploi

Composée par des préoccupations plastique fortes, l’atmosphère suffocante du film est caractérisée par un filtre sépia à la beauté hypnotisante. Une teinte dorée comme une couche de vernis chatoyant pour mieux révéler la triste réalité de ces personnages empêtrés dans les mensonges et les frustrations. Ce climat d’une noirceur absolue permet à Marlon Brando d’explorer les zones d’ombres de l’âme humaine et d’interpréter ici un de ses plus grands rôles. Tout en sobriété et sans jamais rentrer dans l’emphase, ce dernier utilise son statut de star à contre-emploi pour un résultat fascinant.

À plus d’un titre, Reflets dans un œil d’or est un film volontairement déroutant qui saura séduire les amateurs de classiques oubliés à la violence sournoise.

REFLETS DANS UN OEIL D’OR
Réalisé par John Huston
Avec Elizabeth Taylor, Marlon Brando, Brian Keith
Disponible sur LaCinetek, UniversCiné, Canal VOD

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