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« Marseille(S) » de Viviane Candas, une histoire du racisme en France

« Marseille(S) » de Viviane Candas, une histoire du racisme en France

Roxane Thene

Le long métrage documentaire Marseille(S) de Viviane Candas, cinéaste engagée et figure de l’avant-garde, nous immerge aux origines du racisme et de la discrimination en France.

Marseille(S) est une esquisse qui évoque l’histoire de l’immigration au cœur de la cité phocéenne en 1986 et en 2018 : la réalisatrice s’y installe suite au décès de son père en 1967. Elle témoigne, dans ce long métrage, d’une immersion dans le/les Marseille(s), de la libération en 1945 jusqu’aux élections législatives en 1986, puis 32 ans plus tard, en 2018.

Viviane Candas a vécu ses années lycée à Marseille, au cœur des années 70, en mal d’une Algérie qui a vu ses parents combattre pour l’indépendance. Naturellement, elle va militer et nouer des amitiés fortes, notamment avec Fatima, immigrée algérienne et ses enfants.

De la naissance à la prédominance du Front National

Le film démarre à la fondation du Front National et informe inévitablement sur les racines de la forte montée de l’extrême droite : « ratonnades » de 1973, discours racistes puis éveil citoyen de la deuxième génération, et marche des « beurs » en 1983. Elle choisit de filmer son amie, Fatima, puis des militants du FN et leur rencontre. Elle explore, par la suite, une radio libre et anti-raciste marseillaise : la désormais mythique Radio Galère luttant contre tous les racismes et les exclusions, dont son ami Jacques Soncin en est le fondateur.

En 2018, la cinéaste revient à Marseille et retrouve les enfants de Fatima : ils lui confient leur situation, leurs problèmes, la place de l’Islam dans leur vie, leur quête d’identité, ou encore les séquelles de la guerre d’Algérie. Ils sont submergés par un discours du FN désormais dominant, ouvertement raciste et stigmatisant les « musulmans ». Les témoignages sont forts et amers.

La vision de Viviane Candas brille tout au long du film, évoluant en remontées : bribes d’histoires, souvenirs et émotions associés à l’histoire de la ville et à celle, plus volatile, de l’autrice.

Patchwork de questionnements sociétaux

En France, un certain nombre de films ou de documentaires ont abordé et traité la guerre d’Algérie, révélant le début des événements : la bataille d’Alger, le massacre du 5 Juillet 1962 à Oran, l’exode des pieds-noirs, le massacre des harkis… Mais ce documentaire dévoile un récit où tous les tabous sont abordés : ceux de la colonisation française et de ses promesses non tenues, ceux d’une histoire algérienne méconnue, des massacres de Sétif en Mai 1945 à l’indépendance de Juillet 1962. En conséquence, la réalisatrice sollicite Fatima et sa famille pour témoigner de la condition des immigrés en France. Un film opposant la parole de Fatima à celles des militants du Front National mais, également, aux enfants de Fatima, cette deuxième génération née en France.

La réalisatrice s’aventure par un questionnement classé par une thématique avisée et consciente avec des sujets tels que le racisme, l’identité, la culture, l’intégration, l’Islam et le statut d’immigré. Le documentaire est éducatif et enrichissant, entremêlé de photos, de coupures de presse et d’archives filmées afin d’accentuer la véracité d’événements historiques qui ont bouleversé la plus célèbre des villes méditerranéennes, Marseille.

Un film pour témoigner et comprendre, dans l’espoir de trouver un chemin vers la liberté et l’égalité. Néanmoins, à la fin de ce remarquable documentaire, un sentiment émerge : en fin de compte, la France n’évolue pas, elle traverse les générations sans transition significative et positive. Pire, elle peut s’enliser dans des propos racistes et discriminatoires, qui ressurgissent parfois dans les discours de certains candidats à la présidentielle, en 2022.

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