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« Le Bal des folles » et la grande heure de Lou de Laâge

« Le Bal des folles » et la grande heure de Lou de Laâge

Maxime Gros

Sixième film réalisé par Mélanie Laurent, et premier film produit par Amazon Original France, Le Bal des folles est un long métrage ambitieux au casting remarquable, sorti sur Amazon Prime le 17 septembre.

Adapté du roman de Victoria Mas, Le Bal des folles raconte le destin tragique d’Eugénie, une jeune femme curieuse et vive d’esprit dans les années 1880. Or, Eugénie est persuadée d’entendre et voir les morts. Ce don va lui rendre la vie difficile. Quand sa famille découvre son secret, elle est conduite dans la clinique neurologique de La Pitié-Salpêtrière sans possibilité d’échapper aux tortures mises en place pour soigner la folie.

Cette clinique, dirigée par l’éminent professeur Charcot, l’un des pionniers de la neurologie et de la psychiatrie, accueille des femmes diagnostiquées hystériques, folles, égocentriques, épileptiques et tout autre type de maladies physiques et mentales, et les montre comme du bétail à des assemblées d’hommes venus constater les progrès de la science de Charcot. Eugénie n’a qu’une idée, fuir.

Grégoire Bonnet, dans le rôle du Docteur Charcot, partage quasiment toutes ses scènes avec Mélanie Laurent… Comme l’ensemble du casting.

Un film d’époque et de talents français

Le long métrage de Mélanie Laurent est une réussite dans l’écriture de ses personnages et le choix des acteurs pour les incarner. L’autre point fort réside, à nos yeux, dans l’efficacité de l’intrigue. On peut tout à fait saluer le travail de reconstitution historique. Le décor, clair et efficace, est posé dès les premiers plans de foule qui immergent très efficacement le spectateur. Un immense cortège pleure la mort de Victor Hugo. Tu es alors embarqué avec le peuple, amassé dans les rues ; les citoyens ne forment plus qu’un ensemble compact. Tout le long, le film n’aura de cesse de respecter cet univers donné au début, et à aucun moment le décor ne fait numérique ou carton pâte. Il y a une vraie qualité dans la restitution et un grand soin de l’ambiance qui facilite la plongée du spectateur dans l’œuvre.

L’autre moyen d’immersion dans le film est le jeu des acteurs. Pour ce projet, Mélanie Laurent (modestement scénariste, réalisatrice et actrice) a su s’entourer d’un casting cinq étoiles. Elle dirige à nouveau Lou de Laâge qu’elle avait déjà mise en scène dans Respire. Le personnage principal est joué avec une grande sincérité, une fragilité palpable et donne toute sa force au film. L’actrice est entourée par Emmanuelle Bercot, Benjamin Voisin, Cédric Khan, Christophe Montenez et Grégoire Bonnet – bien qu’elle partage principalement l’affiche avec… Mélanie Laurent. Or tous ces personnages secondaires semblent froids, cyniques ou méchants, et c’est tant mieux, puisque nous avons ainsi une grande empathie pour Eugénie.

Du très attendu bal, on aurait aimé voir des costumes foisonnants, des danses, des rires… Il n’en est rien

Une histoire de fantômes

On aurait pu penser que le film serait une histoire de femme : le bal des folles, l’hystérie féminine, les traitements qui leur étaient réservés. Or, ce n’est pas tout à fait le sujet. On aurait pu penser que le film serait une histoire de fantômes : le don, la communication avec l’au-delà, l’exactitude des propos qu’Eugénie entend et rapporte. Or, ce n’est pas non plus ce sujet fantastique qui est traité. Le film nage entre ces thèmes et manque d’une vraie direction. Il y a cette histoire de don mystique et de fantômes, où au milieu de toutes ces femmes folles, Eugénie entend des morts lui donner tant de détails, que ça ne peut qu’être vrai, que cette jeune femme ne peut pas être folle. Le film promet une ambiance merveilleuse et fantastique, et puis, rien n’en n’est fait. Tout cet univers de l’étrange retombe, alors que c’est probablement ce qui fonctionne le mieux dans le long métrage de la réalisatrice..

Ce problème de (non) parti pris conduit à une fin sans réelle saveur. Il est fait mention du bal des folles, puisque c’est le sujet du livre, le titre du film, tout doit tourner autour des réceptions de Charcot – mais tout ce soufflet retombe. Le bal tant attendu – sans prince charmant évidemment, est rapidement éludé. Il y avait là de quoi montrer des costumes foisonnants, des danses, des rires… Il n’en n’est rien. La scène va très vite et le spectateur voit peu de choses. On attend un bal de folie à la fin, et la mise en scène quitte l’aspect film d’époque féministe, et film fantastique, pour devenir une sorte de thriller qui fait perdre la cohérence instaurée au début du film. Tout va très vite, et on passe à côté de nombreux éléments bien qu’il y ait de la tension partout et de quoi créer un climax puissant.

Ce premier film français produit par Amazon Original est de bon augure pour la suite de la plateforme et ses ambitions en terme de cinéma. Évidemment, le casting prime – attention jeu de mot, car il permet d’attirer les spectateurs, et c’est tant mieux. On aurait peut-être préféré que la réalisation de ce film ambitieux soit confiée à un auteur peut-être moins populaire hors de l’hexagone, mais à l’univers plus affirmé. Pour la performance des actrices et des acteurs de ce bal, on te conseille par contre de plonger dans cette fin du XIXe siècle.

LE BAL DES FOLLES
Réalisé par Mélanie Laurent
Avec Mélanie Laurent, Lou de Laâge, César Domboy, Benjamin Voisin
Disponible sur Amazon Prime

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