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Entretien automnal avec Bon Entendeur pour leur première compilation

Entretien automnal avec Bon Entendeur pour leur première compilation

Zoé Seignouret

Tous les vendredis après-midi, comme un prélude au week-end festif qui nous attend, le trio Bon Entendeur nous ambiance grâce à ses mixes distillés au compte-goutte. Rencontre avec Pierre, Nicolas et Arnaud, qui nous assurent que le temps est bon. Ou le sera. Il nous tarde.

Il est 17H lorsque nous débutons l’interview. Quelques galères pour s’accorder niveau vidéo, la période l’exige, et nous sommes partis. Curieux d’en savoir plus sur cette nouvelle compile dont Bon Entendeur nous régale une fois par semaine avec des titres de Courrier Sud, Jean Tonique, Napkey, Anoraak & Lenparrot ou encore Macadam Crocodile. Une fois par semaine, car point trop n’en faut. À l’heure ou les informations sont massives, Bon Entendeur nous met sur pause. À contre-courant. Une manière de réapprendre à attendre, écouter, profiter, luxe ultime en cette période de suspension, où le temps reprend ces droits. Une semaine, un artiste, une découverte, un mix, un quatuor gagnant car les mixes cartonnent. L’occasion pour nous d’en savoir plus sur cette compile, aux douces saveurs estivales.

Bonjour les garçons, on commence fort, comment allez-vous ?

BE. (Rires) Fort ! Fort ! Écoutez, il y a pire. À l’entente d’un nouveau confinement, on s’est dit, hors de question de rester enfermé à Paris, on a voulu rester ensemble donc a filé dans un chalet. La neige, la montagne, les copains. Enfermé mais plutôt à l’aise, franchement, on n’est pas à plaindre ! Une Playstation en plus, on serait comblé…

C’est noté, appel à Playstation passé ! Bon sinon, revenons à la genèse du trio ! En quelques mots …

Arnaud : On s’est rencontrés avec Pierre au collège car on était dans la même classe à Aix-en-Provence, il y a 15 ans. Ça commence à dater, on est toujours restés potes et ça fait maintenant 7 ans qu’on bosse sur BE ensemble avec Coco (Nicolas) !

Et Bon Entendeur ?

A. : Pour la petite histoire, j’avais une chaîne Youtube qui s’appelait « Arnaud Bonet », déjà pas très sexy comme nom. Je publiais dessus des musiques le jour de leur sortie, mais ma chaîne a été fermée parce que je n’avais évidemment pas les droits dessus. Ça a été un crève-cœur. Il y avait quelque chose d’assez addictif, j’adorais dénicher des sons, les partager, voir les retours.

Donc tu as décidé de “faire ça bien” ?

A. : Yes ! Le meilleur moyen de faire ça sans se faire contrôler, je te le donne en mille, c’était de faire un site Internet. J’ai acheté le nom de domaine « bonentendeur.com » en 2012. Pierre m’a rejoint, puis Coco.

Pourquoi « Bon Entendeur » ?

A. : Je savais que j’allais parler de musique, donc je trouvais marrant de faire un parallèle avec l’expression « à bon entendeur ». C’est drôle ? Non ? (Rires)

Finalement, le projet a pris assez vite ?

Nicolas : Oui et non. On a sorti notre première mixtape en septembre 2013. D’abord, c’était une blague ! En fait, on a pris la voix de DSK sur le plateau du JT de TF1 et on l’a mise en mixtape. Ça a bien marché, on a eu plein de retours positifs et à ce moment-là, on a eu d’autres idées de discours à mettre en musique. On en a fait une 2ème , puis 3ème, là on en est à plus de 50.

Plutôt pas mal du coup ?!

N. : En fait le succès a vraiment été progressif, il y a eu des pics, certaines mixtapes ont mieux fonctionné que d’autres. Puis il y a eu Le Temps est Bon, et là j’avoue, on a décollé. Le fameux !

Par curiosité, quelle personnalité a le plus marché ?

Pierre : Celle avec Dujardin, Jean Reno aussi, et Pierre Niney évidemment. Pierre Niney a une drôle d’aura, c’est assez impressionnant cette cote.

Vous avez explosé avec Le Temps est Bon, qui est peu THE « BO » de nos étés depuis 2018, surtout sur Instagram. Quel est votre rapport aux réseaux sociaux ?

Arnaud : On n’a pas fait exprès mais du coup dès qu’il fait beau, les gens pensent à la publier en story. J’avoue, on l’entend dès les premiers rayons de soleil (rires). Nous ça nous va !

 

Pierre : C’est clair, mais je n’ai pas l’impression non plus qu’on soit hyper à l’aise sur les réseaux sociaux. En vrai, on réalise l’importance d’Instagram et de TikTok chez les artistes, mais on n’arrive pas à s’y mettre. Parfois, je me sens un peu trop boomer.  En même temps, c’est grâce aux réseaux qu’on se fait connaître, notamment grâce à Facebook et Soundcloud en postant les mixtapes, mais on sait à peine s’en servir !

 

Nicolas : À la base c’est vrai qu’on ne voulait pas tellement axer le projet sur nous, pendant très longtemps Bon Entendeur c’était un logo et rien d’autre. Mais petit à petit, on s’est dit qu’il faudrait incarner ce qu’est Bon Entendeur, donc on a commencé à se montrer. Mais on revient de loin comme l’a dit Pierre. L’idée de base de se montrer, d’être connu, c’était pas notre but.

Du coup ça rejoint un peu l’idée du Talent-Scouting : ne pas vouloir vous montrer vous pousse à mettre davantage en lumière d’autres artistes ? C’est pour ça que vous avez commencé votre label ?

N. : C’est surtout dans la continuité de ce que l’on fait depuis le début. Dans nos mixtapes, on chope plein de sons, si possible pas trop connus, il y a toujours l’idée de mettre en avant des talents et producteurs émergents. La création du label est dans la continuité de ça. Le tout de manière un peu plus pro parce qu’au final les mixtapes, il n’y a pas d’existence juridique ou légale. Là, il y a cette volonté d’avoir un produit fini. À la fin il y aura un vinyle, on n’en a pas pressé beaucoup, mais de se dire que le projet à terme, il se matérialise avec un objet physique, c’est le pied.

L’idée de presser aussi peu de vinyles fait partie de cette notion de « raretés » ? 500 pièces uniques et pressées ?

N. : On en fait 500, l’idée c’est de faire potentiellement deux compilations par an. On verra, la deuxième compile on en pressera peut-être… un million ? Ce serait une bonne nouvelle !

Que pensez-vous en tant que musicien du retour du vinyle ? Jouissif non ?

N. : Je crois qu’aux USA, la vente du vinyle a dépassé la vente du CD. À titre perso, j’aime beaucoup les visuels, et ce qui est cool dans un vinyle, c’est que tu aimes le CD ET le visuel également, en grand format. Plus que l’objet du vinyle, c’est vraiment l’aspect « collector ».

La compilation réunit Macadam Crocodile, Later, Jean Tonique, Courrier Sud, Anoraak & LenParrot, Napkey… Disponible en édition limitée de 500 exemplaire.
Pourquoi avez-vous opté pour une sortie au compte-gouttes tous les vendredis ?

Arnaud : L’idée est de mettre en lumière chaque artiste. Alors que si on sort tout d’un coup, le message n’est pas forcément le même. Le vendredi parce que c’est une date assez installée au sein des labels. Historiquement on sortait déjà nos mixtapes le vendredi, c’est un peu l’annonce du week-end, comme ça les gens peuvent danser chez eux. Ou en club. Bientôt !

Comment choisissez-vous les artistes ? Coups de cœur ? Bouche-à-oreille ?

Pierre : Il y a un peu de tout ça oui, beaucoup d’artistes présents dans notre compilation étaient présents dans nos mixtapes, comme Jean Tonique par exemple, que l’on connaît depuis longtemps. Il y a beaucoup d’artistes qu’on suit depuis longtemps. Courrier Sud était dans la mixtape avec Gérard Darmon. Ce sont des artistes avec qui on a une affinité musicale.

La plupart des titres sont en anglais, est-ce un choix ?

Arnaud : La compilation est articulée autour de titres inédits sur lesquels on a donné carte blanche aux artistes. S’ils veulent chanter en anglais ou français, c’est à leur guise. On ne se voyait pas leur imposer, c’est compliqué de dire « on aimerait que tu fasses un morceau, mais plus comme ci, ou comme ça ». Ce n’est pas notre boulot donc l’anglais, it’s all right.

Y a-t-il une volonté de faire émerger cette scène mise en avant sur votre compile, au sein de votre label ? Ou vous vous verriez défendre des plus grands noms ?

Nicolas : L’idée est de mettre en avant des artistes et de les rendre plus visibles. On a 2 types de profils sur notre compile : Courrier Sud qui est un projet assez jeune, contrairement à Jean Tonique ou Macadam Crocodile qui tournent depuis quelques temps, et qui sont déjà très écoutés. C’est comme pour l’anglais, le français, etc. Nous, on ne se fixe aucune limite en fait. La seule chose qui compte : le morceau final.

Et si vous deviez définir une « patte » autour de cette sélection, quelle serait celle de Bon Entendeur ?

Arnaud : Bonne question … On a beaucoup de mal à se définir, car sur nos mixtapes il y a tellement de choses. Mais globalement, ça reste autour de la musique électronique. Il y a un style assez commun sur notre compile sans que les artistes communiquent entre eux. Alors soit c’est nous qui avons choisi des artistes qui se ressemblent sans faire vraiment gaffe, soit ce sont eux qui se sont adaptés à notre style, en tous cas il y a un résultat plutôt homogène, on peut le dire assez feel good.

Il y a des choses assez différentes quand même, un peu bossa-nova, Jean Tonique rappelle un style Gainsbourien, en restant dans un registre assez estival et léger. Il y a certaines ambiances auxquelles vous seriez totalement réfractaires ?

Pierre : Il y a des maquettes qu’on a reçues, on s’est dit que c’était un peu trop dark pour la compil. On a opté pour des chansons qui nous mettent dans un esprit plutôt positif. Donc pour répondre à la patte Bon Entendeur, je dirais des morceaux assez 70’s, 80’s, entre le disco et la pop. Seul but, faire kiffer !

Comment vous imaginez les gens qui écoutent Bon Entendeur ? En train de danser ? De chiller ?

Arnaud : On nous dit souvent qu’on nous écoute en voiture. Nos titres sont des formats qui se prêtent plutôt bien à un trajet ou un voyage en voiture. Ou à l’apéro.

 

Pierre : Pendant longtemps nos mixtapes on les a pensées comme ça, comme des musiques d’apéro ! C’est pour ça qu’on a généralement cette progression. D’abord la mixtape commence doucement, il y a le pic-time et ça redescend. On imaginait un peu comment se déroulait une soirée de 21H à 3H du matin ! Qu’ils soient dans un environnement cool avec des amis, à un dîner, je trouve que c’est un bon cadre pour écouter notre musique.

On peut voir sur la compilation des titres très évocateurs (Dancing Through the Night ; Fly You Fools ; You Be The Sun). Il y a-t-il une volonté de faire parler une forme de liberté et d’insouciance à travers ces choix ? Ce sont les artistes qui proposent les titres ou parfois vous les travaillez ensemble ?

Arnaud : Certains artistes nous en ont proposé qu’un seul, et d’autres une dizaine. On a choisi. Globalement on n’aime pas trop être pessimistes tous les trois, ou se dire que c’était mieux avant. On est assez à l’aise avec l’optimisme.

Mais dans l’épisode avec Audrey Fleurot, c’est pas très gai l’intro ?!

Arnaud : Bien vu ! On a longtemps hésité sur cette intro ou un passage qui parle de la jeunesse, mais qui était moins évident, qui sonnait moins bien. Il y a ce truc de saisonnalité qui joue beaucoup, qu’on sorte la mixtape en juillet ou en novembre, ce ne sont pas les mêmes sons, pas les mêmes ambiances, ni les mêmes pitchs. On trouvait que ça collait bien avec la période actuelle, même si ça switch tout de suite avec de la bossa-nova et des discours beaucoup plus positifs !

 

Nicolas : On nous demande souvent s’il y a une période dans laquelle on aimerait vivre, souvent les personnalités ne savent pas trop répondre et acceptent cette période actuelle « bah non mais là c’est bien ». Audrey est l’une des rares à avoir tranché et avoir dit qu’elle se verrait bien vivre dans les années 50. C’était clair et argumenté dans sa tête et comme c’est assez rare qu’on nous réponde de manière aussi frontale, on a trouvé ça cool donc on l’a mis en intro. Les backstages dévoilés ! (Rires)

Et du coup, vous dans quelle époque auriez-vous aimé vivre ?

Arnaud : Moi j’aimerais bien vivre dans l’époque où les chansons de notre premier album remixées sont sorties, années 60-70 parfois 80. Avant le SIDA, les ceintures en voitures, avoir 20 ans dans les années 80 ! Mais on est très contents d’être là en 2020. Même si on vit une période très spéciale en ce moment, on est super contents d’avoir accès à Internet, nous on est nés de ça ! C’est grâce aux réseaux sociaux que nous avons pu exister comme Bon Entendeur. Alors qu’on serait peut-être comptable dans les années 70 !

La direction artistique colorée et estivale est signée de la graphiste Sarah Le Rouzic.
Pour cette compile, il y a une vraie recherche visuelle : quelles démarches derrière ça ? Surtout que c’est en en opposition avec la DA Bon Entendeur entièrement en noir et blanc ?

Arnaud : Complètement l’inverse ! D’habitude, on bosse avec un illustrateur qui s’appelle Paul Grelet qu’on adore et qui travaille sur la base de photos, on lui donne des références et il les reprend en illustration. On adore mais là on avait envie de couleurs. Et sur la compilation, Allo Floride (notre tourneur) nous a mis en contact avec une graphiste, Sarah Le Rouzic. Elle nous a proposé toutes ces déclinaisons de couleurs.

 

Nicolas : Oui. Pour le coup, l’univers est beaucoup plus coloré et épuré, c’est un peu une bouffée d’air frais aussi pour nous, ça fait du bien. En tant que Bon Entendeur on n’a pas envie de sortir de ce noir et blanc mais là pour le label, c’est un autre terrain d’expression et ce qu’on voulait, c’était un artwork déclinable. Pour les futures compilations, on souhaite garder une cohérence.

Cohérent ! Bon et sinon l’acteur que vous rêveriez d’avoir dans une mixtape ?

Pierre : Marion Cotillard, Vanessa Paradis ou Alain Chabat ! Des sportifs aussi ! En vrai, on a plein de noms en tête.

Question signature de chez Arty Magazine, quelle est votre définition d’un artiste ?

Nicolas : Quelqu’un qui propose quelque chose aux gens.

 

Arnaud : Jacques Brel disait que pour lui les artistes ça n’existe pas, c’est les gens qui travaillent qui y arrivent finalement. Je suis d’accord avec ça, même s’il y a cette petite dose de folie chez un artiste, cette volonté d’explorer, tout le reste repose sur du travail et de l’acharnement.

Le mythe du génie éclairé, on lui dit ciao ?

Nicolas : Presque. C’est comme dans le dessin, quelqu’un qui maîtrise le dessin, ce n’est pas inné, c’est une technique apprise, des heures à le faire et à le refaire pour pouvoir sortir ce truc-là. La première étape, c’est vraiment le travail. 10 % de folie, 90 % de constance et de travail.

Au boulot du coup ! Merci beaucoup à vous, c’était top, et bonne fin de confinement !

BE. : Totalement ! Vous aussi ! Et une rencontre non virtuelle s’impose sur Paris. Belle soirée !

La Compilation #001 de BE Records sera disponible vendredi 11 décembre sur Spotify.

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