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Dans les coulisses du Chantier des Francos avec Lonny, Johnny Jane et November Ultra

Dans les coulisses du Chantier des Francos avec Lonny, Johnny Jane et November Ultra

Marin Woisard

Le Chantier des Francos s’engage depuis 20 ans à révéler les futures étoiles de la chanson française. On s’est rendu 2 jours à la Rochelle pour découvrir le dispositif d’accompagnement avec l’équipe et les artistes résidents.

Voilà 20 ans que la pépinière du Chantier des Francos défriche et accompagne les nouveaux talents de la scène française. Depuis 1998, très exactement. Après avoir assisté à la présentation des promotions 2020 et 2021 au Théâtre de l’Atelier, nous avons été invités par l’équipe à la Rochelle pour découvrir le dispositif en son sein, dans un ancien hangar à bateaux, au pied des remparts de la vieille ville. Sur les quais, les cris de mouettes et le soleil. À l’intérieur, une ambiance studieuse et des répétitions. Trois artistes sont présents cette semaine-là : Lonny, Johnny Jane et November Ultra.

Dans les bureaux situés à l’étage du bâtiment, on rencontre Sébastien Chevrier, coordinateur pédagogique et artistique du Chantier. On se dirige ensemble vers son second QG, une maison sur les remparts autrefois résidence d’artiste, qui a de faux airs de colonie de vacances. Sur les murs, sont placardées plusieurs affiches où l’on voit les étoiles de la chanson française passées par les Francofolies – un bon moyen de garder les idées claires et ne pas prendre le melon. Le Chantier n’est pas en reste question pointures : Christine & The Queens, Ben Mazué, Pomme, Feu! Chatterton ou encore Lomepal y ont fait leurs premières armes.

Sébastien Chevrier, cheville ouvrière du Chantier des Francos, prend la pose dans la maison d’artistes © Anoussa Chea

Avant déjeuner, on libère les chakras

À l’écart de la fourmilière qui s’active en cuisine pour préparer le déjeuner des artistes et de l’équipe, on s’assoit avec Sébastien dans un petit patio pour parler de l’approche unique du dispositif. L’accompagnement quotidien, assuré par plusieurs contributeurs souvent eux-mêmes artistes, fait appel au sensible et à l’humain : « On ne revendique pas une posture se sachants, on est vraiment sur un partage d’expérience. Ici, on se met à disposition pour éclairer, poser une balise ou un point de cheminement. Et les artistes font le chemin ensuite eux-mêmes, souvent une fois qu’ils sont partis de la Rochelle. » À travers plusieurs ateliers répartis sur la semaine, les artistes travaillent leur approche du live, rodent leur présence scénique ou leurs compétences sur le logiciel Ableton. Le vivier de contributeurs permet de brasser l’ensemble des composantes de la scène.

Chaque artiste est un cas particulier. Et chaque cas particulier bénéficie d’un accompagnement sur-mesure. Par exemple Lonny, chanteuse folk à la voix d’une douceur apaisante, nous parle lâcher-prise, dépassement et Patti Smith. Sa libération à elle passe par le corps : « Je me rends compte que mon corps sait mieux que moi plein de choses, et ça passe par des exercices qui sont de l’ordre du soin. Sans que ma tête comprenne trop, il y a des zones qui demandent à être apaisées et qui le sont progressivement. Il y a aussi d’autres choses qui sont de l’ordre la concentration. Ma grande quête est comment faire pour être seule-ensemble » Elle cite les contributeurs Wilfried Hildebrandt, Anne Journo ou encore la naturopathe Virginie Riche comme les véritables chevilles ouvrières de cette reconnexion à elle-même : « Très concrètement, avec Anne, j’apprends à créer un mouvement tout en étant consciente de ce que font mes musiciens autour de moi. »

Lonny, boots cirées et yeux rêveurs, nous a fait flancher avec sa folk intimiste © Anoussa Chea

Poterie, couscous et confiance en soi

Autre résidente du Chantier, la chanteuse hispano-française November Ultra a longtemps été entourée avec son ex-quintet Agua Roja. Elle doit désormais assumer le passage à une configuration minimaliste seule face à son public : « La première fois que j’ai fait un concert seule, je n’étais pas prête. Ce sont mes amis de Terrenoire (ndlr, le duo stéphanois) qui m’avaient demandé d’ouvrir pour eux à la Marbrerie. J’ai trouvé que c’était incroyablement effrayant et incroyablement excitant » et de détailler techniquement comme elle passe le cap : « J’adapte mes morceaux en ayant conscience qu’ils sont vivants, qu’ils ne veulent pas dire la même chose quand je les ai composés et quand je les chante aujourd’hui. Du coup, je les modèle comme une poterie. Si c’était un mug, j’en garde l’argile et j’en fais un bol, parce que c’est dans ce type de récipient que je veux boire maintenant. » À la santé du Chantier.

À quelques mètres, le rappeur Johnny Jane profite d’une pause méritée pour s’installer au piano. Un air improvisé résonne dans la maison des artistes. Vient-il de composer là son futur hit ? Le soir même, on se retrouve autour d’un couscous avec l’équipe, les artistes et leur entourage. Un instant de convivialité malgré la distanciation. On est assis à côté de Johnny le pianiste affamé. Entre une discussion sur les effets néfastes de la Lean, la nouvelle drogue codéinée qui fait fureur dans le rap jeu, il se confie sur les bénéfices du Chantier des Francos : « Ce n’est pas un atelier en particulier qui m’a aidé, mais l’ensemble qui m’a poussé à prendre confiance. Les contributeurs m’ont tous dit sans se concerter : ‘N’aie pas peur’ » avant de détailler « Avant je me posais des questions, maintenant je m’en pose beaucoup moins. Je cherchais des réponses qui sont arrivées de manière physique avec les ateliers sur le corps et le chant. »

November Ultra, en pleine confiance © Anoussa Chea

La scène entre en résistance

La nuit tombe sur les remparts de la Rochelle. La joyeuse troupe descend sur les quais de La Rochelle pour se retrouver dans la salle de concerts du Chantier, où flotte un doux parfum de l’insouciance un temps oubliée, celle du monde d’avant. Seul marqueur temporel : tout un chacun est assis et masqué pour assister aux répétitions des artistes. La tireuse de bière fonctionnement difficilement, comme tirée d’un long sommeil après ne pas avoir servie pendant de longs mois. Lonny ouvre le bal en déployant sa folk intimiste et rêveuse, accompagnée de sa bassiste et de son guitariste. Suivent les chansons émouvantes et puissantes de November Ultra, entrecoupées de ses tirades décalées, puis le flow écorché et chargé en spleen de Johnny Jane.

Et le futur ? En 2020, une édition alternative des Francofolies avec les artistes du Chantier avait été organisée sous forme de balades à La Rochelle, intitulée Y’a des francos dans l’air, pour aller de l’avant malgré une année traumatique : « On est de nature très optimiste, et au-delà de ça on est pro-actif. Cette crise sanitaire nous a tous touchés quand le confinement est tombé en mars. On a souhaité ne pas laisser tomber les artistes que l’on commençait à peine à accompagner » nous confie Sébastien, gorgé d’espoir avant de faire des vœux pieux pour la suite : « J’ai envie de croire à une appétence folle des publics pour les lieux, les salles, les festivals. J’ai hâte de commencer cette nouvelle ère pour pouvoir enfin fermer la parenthèse de la Covid-19. » Et le calendrier semble lui donner raison.

Sortir les armes pour nous décocher des larmes, tout un programme pour Johnny Jane © Anoussa Chea

Les artistes du Chantier des Francos seront particulièrement mis en avant aux Francofolies de La Rochelle, dont l’édition a été confirmée du 10 au 14 juillet 2021. L’ensemble de la sélection côtoiera les têtes d’affiche Benjamin Biolay, Philippe Katerine, Feu! Chatterton, Gaël Faye ou encore Pomme – passée par le Chantier en 2016. La boucle est bouclée.

LES FRANCOFOLIES DE LA ROCHELLE 2021
Du 10 au 14 juillet 2021
La Rochelle
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