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Notre super critique de « Comment je suis devenu super-héros » sur Netflix

Notre super critique de « Comment je suis devenu super-héros » sur Netflix

Cyril Martin

Une sortie mouvementée mais une sortie tout de même en fanfare pour Comment je suis devenu super-héros de Douglas Attal, disponible depuis le 9 juillet sur Netflix. On l’a vu au Louvre, pendant le festival Cinéma Paradiso, et on a pris une semaine pour mettre un peu d’ordre dans nos idées.

Une moto, un gun, un costume : trois des éléments essentiels de Comment je suis devenu super-héros

Paris 2020. Dans une société où les surhommes sont banalisés et parfaitement intégrés, une mystérieuse substance procurant des super-pouvoirs à ceux qui n’en ont pas se répand. Face aux incidents qui se multiplient, les lieutenants Moreau et Schaltzmann sont chargés de l’enquête. Avec l’aide de Monté Carlo et Callista, deux anciens justiciers, ils feront tout pour démanteler le trafic. Mais le passé de Moreau ressurgit, et l’enquête se complique…

Comment je suis devenu le premier polar super-héroïque français crédible

Le mythe est devenu réalité ! Vincent n’a pas d’écailles, sorti en 2014, reste techniquement le premier film de super-héros français, à l’échelle indé. Comment je suis devenu super-héros a de l’ambition, et, en bonne partie, les moyens de ses ambitions. Prévu initialement pour une sortie en salles et finalement accessible à la maison, le film sous hautes influences représente plusieurs premières : première adaptation filmique du roman éponyme de Gérald Bronner, premier long métrage de Douglas Attal, premier blockbuster de super-héros en France, premier film d’une possible franchise ?

Dans le cinéma français, des films d’actions héroïques ambitieux, réussis ou non, principalement inspirés de bandes dessinés, il y en a eu : Arsène Lupin (2004), Adèle Blanc-Sec (2010), Largo Winch 1 et 2 (2008 et 2011), le dernier Astérix et Obélix : Au service de Sa Majesté (2012), Nicky Larson (2018), pour ne citer qu’eux. Comment je suis devenu super-héros se distingue par le choix de faire non pas un film d’action avec des super-héros en France, mais de faire un polar français situé dans un Paris uchronique où les super-héros sont devenus une réalité banale. Douglas Attal et ses scénaristes ont opéré la rencontre intrigante et saisissante entre des influences américaines revendiquées et des influences de cinéma et de séries françaises.

Leïla Bekhti et David Harb… Pardon, Benoît Poelvoorde

Côté USA, on retrouve un peu de L’Arme Fatale (1987) pour le duo d’opposés qui doivent s’allier et se comprendre ; Incassable (2000) pour le trauma à dépasser, la poésie d’un fantastique rendu familier et l’atmosphère grisonnante d’une psychologie complexe ; citons X-Men (2000) pour la question du traitement de la différence d’un groupe spécial au sein d’une société ; également The Dark Knight (2008) pour l’efficacité feuilletonesque, le rythme soutenu, la noirceur urbaine ; ou encore Watchmen (2009), pour l’iconographie uchronique et les questionnements métaphysiques et quotidiens de figures démystifiées. Côté français, l’influence se situe chez L. 627 de Bertrand Tavernier (1992) et Polisse de Maïwenn (2011), qui ont trait à la description réaliste, caméra à l’épaule, d’une enquête, et la chronique procédurale et intime du quotidien de policiers en proie à leurs démons personnels.

Si les influences, nombreuses donc, sont dans l’ensemble bien digérées par Douglas Attal, qui porte à l’évidence un amour authentique pour les genres qu’il reprend, on note simplement que le projet n’est pas ici, semble-t-il, de les renouveler ou de les transcender. Ce qui est dommage, car en tant qu’auteur, il pouvait emmener ces influences dans des zones encore plus bouleversantes, innovantes ou encore plus surprenantes, en termes de propositions artistique et narrative. Bien sûr, il fallait d’abord assurer un spectacle efficace avant de pouvoir éventuellement lâcher son imaginaire et projeter ses personnages dans des sentiers pleinement rebattus. CJSDSH est donc moins le premier long métrage personnel d’un auteur français sur des super-héros qu’une création filmique collective commerciale réalisée avec un soin total et d’une efficacité certainement absolue.

Ou l’on apprend que l’on sait aussi faire de jolis effets spéciaux

Comment je suis devenu un film inégal mais prometteur

Pendant la projection du film au Cinéma Paradiso, on distribuait des bonbons Skittles aux spectateurs. CJSDSH est cela : un bonbon filmique, consommable et très appréciable, mais sans véritable profondeur gustative. D’ailleurs, de façon amusante et progressiste, n’avoir « rien de particulier » dans le film n’est pas perçu comme un signe de faiblesse ou de honte – au contraire, avec peu d’intelligence et d’esprit, c’est plutôt valorisant. Mais quel est donc le goût de ce bonbon qui n’a rien de particulier ? D’après l’équipe du film, tu peux t’attendre à « de la castagne, de l’humour et du fun ».

De la castagne, il y en a, très bien distillée et bien amenée. On regrette parfois les plans tremblants montés à la Jason Bourne qui empêchent comme souvent une lisibilité totale. De l’humour, plutôt premier degré et parsemé avec retenue, il y en a. Pour le fun, oui si on retrouve ses yeux d’enfant et qu’on s’émerveille des pouvoirs et des échanges cartoonesques entre les personnages – non si on garde en tête (d’adulte) le ton général du film, assez dépressif et sérieux. En dehors de ces intentions, on déplore que le récit ne soit pas plus audacieux, plus approfondi. Avec des personnages interprétés à merveille par leurs comédiens, avec un univers fictionnel aussi crédible et aussi stimulant, on sent presque que le film souffre de n’être qu’une sorte de pilote, de test. On y retrouve néanmoins beaucoup de thématiques actuelles bienvenues telles que l’égalité homme-femme, le commerce du bien-être alimentaire, la santé dégradante des seniors, la précarité rampante, le jeu des réseaux sociaux, les traumatismes individuels taris, la pédagogie dans le management professionnel…

Expugner ses démons par le feu, une technique dangereuse mais souvent payante

Bien que l’on reste souvent en surface dans un cadre qui appelle justement à explorer, à entrer en profondeur, quelques séquences sortent du lot – le lycée, le commissariat. De rares et beaux moments d’une mise en scène ample habillée d’une musique enveloppante et affirmée. Ces séquences semblent faire battre le cœur caché du projet et font jaillir temporairement l’alliance parfaite de tous ces tons différents : il s’agit de rattraper quelque chose qui sous le poids de la gravité va tomber pour finalement ne pas chuter, se relever voire s’élever. Voilà comment on devient super-héros : en croyant que tout reste possible, en soi et autour de soi ; en croyant que ce qui chute peut se relever, que le poison peut devenir un remède, que la différence peut faire l’union ; que l’amour-propre et l’amour des autres peut rendre fantastique.

À défaut d’être un film super en tous points, Comment je suis devenu super-héros est un film héroïque dans ses intentions et ses résultats. Malgré ses imperfections, il brille de vouloir emmener le cinéma français vers des horizons plus ouverts et plus inspirants. En ce temps de retour à la vie réelle, son existence mérite d’être louée, célébrée, soutenue. On lui souhaite : une fois ce premier volet rentabilisé, Douglas Attal pourrait librement approfondir son univers avec une franchise de films de super-héros français. CJSDSH dévoile un bel aperçu du potentiel infini qui se tapit au sein du cinéma français. Il n’y a qu’à voir l’été 2021 en France : un film de loup-garou, Teddy ; un film de maison hantée, The Deep House : de l’heroic fantasy avec Kaamelott : Premier Volet. Promis, Comment je suis devenu super-héros est efficace au présent mais surtout prometteur pour l’avenir.

COMMENT JE SUIS DEVENU SUPER-HEROS
Réalisé par Douglas Attal
Avec Pio Marmai, Leïla Bekhti, Vimala Pons, Benoît Poelvoorde
Disponible sur Netflix

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