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Bruce Willis, l’inénarrable descente aux enfers

Bruce Willis, l’inénarrable descente aux enfers

Olivier Fade

Il aurait pu (dû) suivre la trace des plus grands, et vieillir comme le plus boisé des whiskys irlandais : Bruce Willis est pourtant devenu abonné aux direct-to-video, et creuse, année après année, la tombe d’une longue carrière qui n’en finit plus de pourrir au soleil. On tente d’expliquer ce qui s’est (mal) passé.

La sentence est tombée récemment via deux bandes-annonces pour le moins catastrophiques : Bruce Willis sera à l’affiche de Cosmic Sin le 12 mars aux Etats-Unis (simultanément en VOD) puis de Breach, non daté – les deux films étant scénarisés par un seul homme, Edward Drake, également responsable de la mise en scène du premier. Que s’est-il passé, entre le big break de Die Hard en 1988, et la double sortie de la honte en 2021 ?

Au début, tout va bien (Piège de cristal, 1988)

Promis à de grandes, grandes choses

Bruce Willis, né Walter Bruce Willison à une centaine de kilomètres de la frontière française, décroche le rôle pas tant convoité que ça de John McClane pour le premier Die Hard, suite à la conclusion d’un deal mirobolant par son agent de l’époque. Le jeune acteur est à cet instant la star masculine de la série romantique Moonlighting, et a déjà essuyé deux jolis échecs au cinéma en tant que tête d’affiche. Son agent le propulse au rang d’icône en l’imposant à l’affiche d’un film d’action auquel pas grand monde ne croît, et qui deviendra finalement un des grands classiques intemporels du cinéma.

Son jeu tout en charme sarcastique et en sourires en coin en fait immédiatement une des plus grandes idoles de la décennie suivante, qui le voit enchaîner les collaborations avec Brian de Palma, Robert Zemeckis, Terry Gilliam, Tony Scott, Quentin Tarantino, M. Night Shyamalan, Rob Reiner… Malgré dix années d’une filmographie en béton armé, son rôle le plus emblématique reste probablement celui de Harry S. Stamper, technicien pétrolier quelque peu sociopathe dont l’émouvant sacrifice aura tout de même permis de sauver la Terre d’un astéroïde géant, sans quoi personne ne connaissait le nouveau millénaire (Armageddon, 1998). Thanks dude !

Là, on est clairement au top (Pulp Fiction, 1994)

La réputation d’être difficile sur un plateau

C’est en 2011, suite au tournage puis à la sortie de Cop out, que Kevin Smith, grand mogul de la franchise Clerks et heureux metteur en scène de Dogma, ose dire tout haut ce que beaucoup à Hollywood pensaient apparemment tout bas. En direct du podcast de Marc Maron, Silent Bob déclare que « Bruce Willis est un connard ingérable », et que « jamais il ne retravaillera avec lui ». Bruce, capricieux sur un plateau ? Selon les dires de M. Smith, il aurait rendu le tournage véritablement infernal et lui aurait donné des (fausses) envies de suicide. La grande famille du cinéma étant généralement un microcosme où tout le monde s’adore en public, les déclarations du réalisateur de Mall Rats, si intenses, pourraient laisser à penser que la vérité se situe de son côté.

Deux ans plus tard, c’est Rocky Balboa himself qui caractérise Mr. Church de « greedy et lazy », soit « paresseux et gourmand », après que les négociations entre les deux acteurs aient échoué en pré-production du troisième volet The Expendables. Ce tweet assassin de Stallone relance la polémique sur le comportement douteux de l’ancienne, déjà, gloire des 90’s, qui n’aura véritablement été cool qu’une petite quinzaine d’années – 2007 et le tournage du quatrième épisode de la saga Die Hard ayant quasiment achevé la carrière brinquebalante de M. Willison, lui qui rêvait sans doute du renouveau que Ghost Protocol offrira à Tom Cruise quatre ans plus tard.

Ici, on commence un peu à faire la gueule (Red, 2010)

Tête d’affiche de nanars indéfendables

Il y avait comme un air de prémonition au cœur des révélations de Kevin Smith, puisque la fin d’année 2011 signe pour Bruce les premières sorties direct-to. Qui pourra aujourd’hui se targuer d’avoir vu, encore moins apprécié, Set up, Catch .44, Precious Cargo, Air Strike, Hard Kill et autres obscurs Survive the Night ? Qu’il semble loin le temps où sa romance passionnée avec Jane March éveillait la sexualité de milliers d’adolescents à travers le monde (Color of Night, 1994).

Devenu l’ombre de ses succès passés comme héros guy-next-door à qui il arrive tout le temps d’énormes embrouilles, Bruce Willis est aujourd’hui le type qu’on appelle pour faire briller une daube de l’espace que personne, jamais, ne verra au cinéma. En témoigne son jeu proche de l’apoplexie dans les deux bande-annonces sus-mentionnées. En même temps, être payé une petite fortune pour ne rien foutre devant une caméra, ça pourrait en achalander plus d’un.

Caricature terrible du personnage qu’il aura incarné à cinq reprises (deux de trop), Bruce Willis aura pâti, d’année en année, de cette réputation de « type pas trop trop sympa sur un plateau de tournage », pour ne pas en dire plus. La faute à un excès de confiance permanent ? Comédien légèrement loser devenant l’acteur le mieux payé au monde le temps d’un accord invraisemblable (5 millions de dollars pour incarner John McClane), il aura probablement laissé ses bonnes performances dans plusieurs chefs d’œuvre lui monter à la tête, pour notre plus grand désarroi. Hollywood pardonne pourtant beaucoup (coucou Matthew McConaughey), aussi il est toujours temps de revenir au sommet. Offre-nous un dernier grand rôle Bruce, pour l’amour du cinéma. Ou, plutôt, un dernier grand film !

Enfin, il est temps d’arrêter (Cosmic Sin, 2021)

Petit plaisir coupable pour achever cet article en aveu de désillusion, voici la bande-annonce du récent méfait que l’on évoquait plus haut, Cosmic Sin, dans lequel Bruce Willis apparaît pour faire flamber le côté bankable de l’opération. Ou comment passer de Terry Gilliam et Brian de Palma, à ça :

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