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Vitalic : « Appeler un titre Poney, il fallait quand même le faire »

Vitalic : « Appeler un titre Poney, il fallait quand même le faire »

Anaïs Delatour

Vingt ans déjà que l’artiste dijonnais Vitalic fait danser le monde entier à coups d’électro qui dénotent et de techno acide sous petit fond disco.

En 2001, il explose avec son EP Poney qui passe, d’ailleurs, toujours dans les soirées branchées. Il se souvient volontiers de L’An-fer, club dijonnais, repère de déglingos, qui a créé une vraie scène électro dont il fait partie. Vitalic revient sur ses 20 ans de carrière au cours d’une rencontre tant attendue.

Anaïs : En 20 ans de carrière, tu as traversé un début de 21ème siècle très mouvementé à travers plein d’événements. Par exemple, l’élection de Barack Obama, premier président noir américain en 2008, la légalisation du mariage entre personnes de même sexe en France en 2013, mais aussi les attaques terroristes, l’élection de Donald Trump et la Covid-19. Que retiens-tu de ces 20 ans ?

Vitalic : C’est vrai que j’ai vécu plein de trucs fous mais, même si on est encore dedans, la Covid sera forcément le truc le plus dingue parce que cette crise a mis une grande partie de la planète à l’arrêt dont les artistes font partie. Et ce n’était vraiment pas prévu. D’ailleurs, je me suis toujours dit que même dans les pays en guerre, il y a des teufs. Mais pas dans les pays en pandémie. C’est le truc le plus déplaisant que j’ai eu à vivre par rapport à la musique. Et il fallait que ça tombe pour mes 20 ans en plus !

A. : De tes premiers EP vinyles underground en 1996 et 1997 à Poney en 2001 qui rencontre un véritable succès populaire, des tournées dans le monde entier, ou encore un quatrième album en 2017. Comment résumer tes 20 ans de carrière ?

V. : En un mot : dissidence. J’ai toujours fait ce qui me plaisait. Mais aussi, j’ai toujours observé ce qui se passait autour de moi, en musique, mais aussi dans les arts ou dans l’Histoire. Je suis une éponge. Tout m’intéresse et a un impact sur ma production mais au fond, je n’ai jamais cherché à être dans le moule. Pour cela, j’ai une sorte d’esprit de contradiction et de dissidence.

A. : Pensais-tu, à 20 ans, avoir une telle notoriété ? Parce que tu demeures encore aujourd’hui l’un des artistes français à s’être le plus exporté à l’international, tous genres confondus.

V. : Non, je n’avais pas du tout confiance en moi mais surtout, ce côté dissident que je revendique était un problème au début. Je me disais que je n’arrivais pas à sonner comme tout le monde. J’étais profondément musicien mais je n’y croyais pas vraiment.

A. : Le fait de ne pas sonner comme tout le monde, c’est peut-être aussi ce qui a permis de te démarquer.

V. : Je pense que oui. Mais au début, c’est un peu comme quand on entre au collège, on voudrait être dans le moule. Plus tard, cela devient une qualité de prendre le large mais au départ, c’est quelque chose qui me stressait un peu.

A. : Quel est ton meilleur souvenir sur scène ?

V. : J’en ai vraiment beaucoup. Mais j’adore jouer à Solidays par exemple. C’est un des meilleurs endroits, le public est vraiment super. Sinon, mon premier Zénith et mon premier Olympia ont été des événements d’une vie. Je ne pensais pas du tout en arriver là et puis un jour, j’ai vu la fierté dans les yeux de ma mère, c’est tout ce qui compte (rires) !

A. : Tu as grandi en Bourgogne et souvent traîné à L’An-fer, un ancien club électro dijonnais dans lequel Laurent Garnier a commencé. Quel souvenir gardes-tu de cet endroit ?

V. : Il a été important parce qu’il a créé toute une scène électro qui s’est un peu perdue depuis. Dijon n’est plus la musique électronique aussi vivace qu’elle a pu être, parce que c’était vraiment énorme ! Ce club a véritablement créé une scène. Tout est parti de L’An-fer mais ensuite il y a eu des bars, des raves et d’autres clubs. La scène électro a pris une ampleur incroyable en quelques années. C’est aussi un endroit où je me suis produit régulièrement. C’était ma seconde maison. J’y étais le vendredi pour les soirées techno, le samedi pour les soirées discothèque, et le dimanche pour les soirées gay. Quand j’étais au collège, l’An-fer était un lieu qui faisait un peu peur, c’était les déglingos qui allaient là-bas (rires) !

A. : Comment était le clubbing dans les années 2000 par rapport à maintenant ?

V. : Au début des années 2000, on sortait des années de rave party. Aller en rave était devenu un peu ringard et il était re-cool d’aller en clubs. C’est un peu le contraire aujourd’hui d’ailleurs. Aller en club, c’est pas terrible et il vaut mieux aller en rave. Ce sont des cycles. Mais dans les années 2000, le clubbing est devenu complètement foufou. Les gens allaient en clubs habillés dans une sorte de décadence un peu chic. J’ai adoré.

A. : Jean-Michel Jarre, Daft Punk et Sheila t’ont tous les trois inspiré. Qu’as-tu pris de chacun ?

V. : Jarre, j’ai grandi avec depuis l’enfance donc je me suis nourri de ce côté mélodieux et synthétique. Et quand j’ai découvert Daft Punk, j’écoutais déjà de la musique électro et techno. Mais, la techno était devenue très ennuyeuse et paresseuse avec les mêmes montées d’acide et roulements de caisse claire. Puis, Daft Punk est arrivé avec un mariage impossible entre la techno et un esprit rock. C’est quelque chose qui n’existait pas avant. Donc c’était forcément inspirant.

A. : Et pour Sheila, c’est quoi la petite histoire ?

V. : Ah Sheila est un truc que j’écoute dans mon tourbus avec mon équipe, après les concerts. On écoute souvent de la disco comme ça. Je ne dirais pas que je me suis inspiré mais certains morceaux sont quand même vraiment bien faits !

A. : Tu as exploré le disco, le rock, la techno, l’électro, le hardcore, l’acide, la house. Comment se renouvelle-t-on comme ça en tant qu’artiste ? N’est-ce pas intéressant (et confortable) de faire tout le temps la même chose ?

V. : Ce n’est pas possible de faire tout le temps la même chose, à moins d’être désintéressé ou de ne pas être dans la recherche. Ce qui marche dans la musique, qui fait un peu Jean-Jacques Goldman, est quand elle est sincère ! Et la sincérité s’entend. Donc si tu répètes tout le temps le même truc, au bout d’un moment, tu n’as plus la même énergie. Je garde bien sûr une façon d’écrire qui est la mienne mais mes goûts changent avec le temps.

A. : Y-a-t-il une collaboration ou un remix qui t’a marqué en 20 ans ?

V. : Julia Lanoë avec qui je travaille pour Kompromat. Et pour Vitalic, reprendre le titre Who Is It de Björk m’a vraiment marqué.

A. : Pour Kompromat d’ailleurs, tu as invité Adèle Haenel sur une chanson. C’était ton idée ?

V. : Oui ! Je voulais faire mon Serge Gainsbourg qui fait chanter Isabelle Adjani et faire moi aussi chanter une actrice. Et comme Adèle est proche de Julia, elle lui a proposé et Adèle a accepté. Elle avait déjà participé à des traductions en allemand sur l’album. J’ai eu mon petit passage Gainsbourg !

A. : Avec qui aurais-tu envie de travailler maintenant ?

V. : J’aime beaucoup Yzïa et Jeanne Added.

A. : Tu as toujours utilisé divers pseudonymes : Dima, Hustler Pornstar, Vital Ferox, puis Vitalic en 2000. Pourquoi toujours des pseudos ?

V. : Pour pouvoir changer de couleur sans dérouter les gens. Avec Vitalic, je m’étais quand même dit que je ferai tout ce que je veux. Vitalic va vraiment de la polka à la techno en passant par le disco ou encore la pop. Cela fait partie du jeu. Quand je fais un album, on ne sait pas ce que l’on va trouver dedans.

A. : Comment les choisis-tu ?

V. : Je ne sais pas… Je n’’arrête pas de trouver des noms tout le temps ! Je fais des sortes de mini brainstorming toujours nuls et puis un jour ou quelques heures après, le truc me tombe dessus ! Je suis en train de faire la cuisine ou de courir et le nom tombe tout seul ! D’en haut (rires) !

A. : Pour tes 20 ans de carrière, tu prépares un nouvel album. Tu dis que le monde environnant inspire la couleur de ta musique. Ton nouvel album va être un peu cataclysmique et sombre au regard du contexte actuel non ?

V. : Je ne fais jamais de la musique complètement sombre. Elle est souvent mélancolique ou soleil voilé. Un truc comme ça. On vit beaucoup de frustration en ce moment, il y a des choses à en faire ressortir. Après, je n’ai pas fait de morceau qui s’appelle Pandémic ! J’ai aussi évité Virus Attack et compagnie parce que ça a été vu et revu !

A. : Tu démarres avec Ok Poney en 2001 et pour tes 20 ans, un cheval t’accompagne sur l’affiche de ton concert à l’Accor Arena. C’est un peu ton porte-bonheur non ?

V. : Oui. C’est un des animaux que j’aime beaucoup. J’aime énormément les chevaux, les ours, les lapins, les chiens et les vaches… Des trucs qui viennent un peu de l’enfance. Le cheval est aussi un point de départ. Un jour, j’ai eu l’idée de parler des poneys que l’on retrouve dans les manèges pour enfants des fêtes foraines et qui ont une vie de merde. Au début, je me suis dit que je ne pouvais pas parler de ça en techno parce que c’est un peu débile. Au final, je me dis que je m’en fous et je le fais quand même, jusqu’à appeler le titre Poney ! Il fallait quand même le faire ! J’ai tiré une bonne ficelle je crois.

A. : Quelle est ta définition d’un artiste ?

V. : C’est celui qui raconte des histoires et qui fait passer des messages à travers des filtres pour s’exprimer. Au fond, je pense qu’on est tous des artistes.

Vitalic fêtera ses 20 ans de carrière à l’Accor Hotel Arena | Billetterie

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