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« Billie » : Quand Lady Day nous fait écouter le cinéma

« Billie » : Quand Lady Day nous fait écouter le cinéma

Alma-Lïa Masson-Lacroix

Billie, de James Erskine, raconte la vie de la grande Billie Holiday, aussi surnommée « Lady Day », chanteuse engagée et symbole de la résistance contre l’oppression et le racisme aux États-Unis.

Afin de conter l’histoire de cette figure emblématique du jazz et de la swing music, le réalisateur réinvestit le travail de la journaliste Linda Lipnack Kuehl qui, dans les années 70, avait tenté d’écrire une biographie sur la chanteuse. Morte mystérieusement avant de pouvoir la terminer, elle était parvenue à réunir plus de 250 bandes audio d’interviews, réalisées avec différentes personnalités de la vie de Billie Holiday, qui n’avaient jamais été entendues jusqu’à aujourd’hui.

L’ambition de James Erskine est la même que celle qui a motivé Linda Lipnack Kuehl : dresser le portrait de la femme derrière les chansons, mais aussi derrière les titres de journaux, les prises de drogue, les photos flamboyantes. En d’autres termes, révéler la femme derrière le mythe qui l’entoure. C’est par l’intermédiaire d’un montage de voix, dépourvues d’images, que Billie Holiday renaît.

« Le collectionneur auprès duquel nous avions acquis les cassettes, Toby Byron, n’en savait pas beaucoup sur Linda Lipnack Kuehl. On lui avait dit qu’elle s’était suicidée avant de finir le livre, mais nous voulions savoir pourquoi. Qu’est-ce qui l’avait poussée à faire cela ? Était-ce le livre, la tragédie de l’histoire de Billie, et était-ce même un suicide ? » – James Erskine

Un récit privilégiant le support audio…

Ainsi, le film n’est pas aussi visuel qu’on pourrait l’espérer. En effet, bien que quelques captations de concert colorisées avec beaucoup de soin ponctuent ce récit avec beauté, la plupart des images sont finalement employées à donner un support au montage audio. L’intérêt de ce film est évidemment celui du montage son, du récit tissé à travers ces voix venues du passés, tirées de cassettes jusque-là disparues : le film est essentiellement sonore. On ferme les yeux et on écoute, bercé par ces multiples histoires, ces anecdotes humaines qui rendent la réalité d’une vie bien meilleure que tout article de presse.

On découvre alors avec beaucoup d’émotion la vie mouvementée de cette femme, à la fois forte et vulnérable, en combat permanent contre la société américaine – on pense à son immense chanson Strange Fruit – mais également en proie à ses propres démons. L’ambition du film d’offrir à l’Histoire un portrait sincère de Lady Day est ici couronnée de succès, en présentant à nos oreilles une vie comme il y en a peu, et en démontrant le courage de cette femme face à une société américaine sans pitié.

« Prendre la narration de Billie, la mélanger à une structure musicale cohérente, puis retracer sa vie et son image changeante était l’essence du film », raconte le réalisateur James Erskine

… Mais des chansons peu présentes

En effet, derrière ce périple de vie se dévoile en filigrane un pays dont les problèmes sont d’une violente actualité. Racisme, sexisme, homophobie – tout y est, indéniablement. Ainsi, le film est un bel hommage à cette grande chanteuse, mais il ne dépasse malheureusement pas complètement le statut d’hommage. Malgré l’intention honorable et passionnée du réalisateur, ce n’est pas un grand film en soi, car la beauté de ce travail réside principalement dans la beauté mouvementée de la vie de Billie.

Enfin, dernier bémol : on pouvait s’attendre, dans un film sur une chanteuse aussi importante que Billie Holiday, à entendre sa si belle voix bien plus souvent. On aimerait y écouter ses chansons, s’y laisser bercer, en comprendre l’ampleur en rapport avec sa vie – mais ses interprétations ne sont que fugaces, et le film les ramène étonnement au second plan.

BILLIE
Réalisé par James Erskine
Actuellement en salles

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