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On a vu « Allen v. Farrow », le docu à charge à l’encontre du cinéaste américain

On a vu « Allen v. Farrow », le docu à charge à l’encontre du cinéaste américain

Camille Castres
La parole est donnée à la fille adoptive de Woody Allen et Mia Farrow. Accusant le réalisateur de l’avoir abusée sexuellement, Dylan Farrow sort de l’ombre pour témoigner de la nocivité de son père adoptif, qui a toujours nié ses actes. Allen v. Farrow, une mini série documentaire en 4 épisodes, sur OCS.

« Glaçant » est le premier adjectif d’une longue liste (on citera « poignant », « déchirant », « ahurissant », « honteux », entre autres) qui vient à l’esprit au visionnage de ce documentaire en quatre parties. Le véritable tour de force de ce documentaire réside dans les nombreuses archives qui l’étayent et composent un dossier à charge. Parmi elles, les vidéos tournées en Super8 au fil des années par Mia Farrow elle-même, ex-femme et ex-actrice fétiche du réalisateur new-yorkais. Ces enregistrements sonnent comme une déflagration, tant ce qui s’y niche, en creux, est aux antipodes des scénettes aux couleurs délavées qui convoquent, quelque part, nos propres souvenirs heureux d’enfance.

Pour qui ne saurait pas le contexte, y verrait des petits films amateurs d’une vie facile, oisive, où la joie d’une famille nombreuse s’épanouit dans la campagne du Connecticut. Ces images d’Epinal sont donc contrebalancées par des témoignages forts de plusieurs membres du clan Farrow : amies, baby-sitter, enfants – dont Ronan Farrow, aujourd’hui avocat et journaliste à l’origine du mouvement #MeToo aux Etats-Unis – et surtout Dylan Farrow elle-même.

Pour qui ne saurait pas le contexte, y verrait des petits films amateurs d’une vie facile, oisive, où la joie d’une famille nombreuse s’épanouit dans la campagne du Connecticut.

Un documentaire riche de témoignages inédits

Très rapidement, Dylan Farrow, la fille adoptive du couple Farrow-Allen, s’exprime pour raconter son trauma. De la petite fille de 7 ans, qui affirme depuis toujours avoir été abusée dans le grenier par Woody Allen, à la jeune femme de 36 ans, chevelure rousse flamboyante, on reconnaît le visage, déterminé mais emprunt de mélancolie. Ce même visage donc, filmé en 1992 par sa mère, deux jours après que Allen ait entraîné la fillette à l’abri des regards. Mia demande à Dylan de raconter, avec ses mots d’enfant, les actes sexuels commis par Woody Allen, alors qu’elle était partie faire du shopping avec une amie.

Ce témoignage est aussi inédit qu’unique puisque le procureur avait décidé à l’époque de ne pas convoquer Dylan, très traumatisée, à la barre lors du procès pour sa garde, lorsque le couple se séparait. Cette décision du procureur Frank Maco portait un coup d’arrêt à l’enquête criminelle pour agressions sexuelles qui visait donc Woody Allen.

Photo non datée de Dylan et Mia Farrow.

Recontextualisation de l’impunité pré-MeToo

Le documentaire rappelle à la fin de chaque épisode que Woody Allen a refusé d’être interviewé, qu’il nie toujours les accusations et qu’il n’a jamais été inculpé. Mais Dylan, qui se définit comme une survivante, a toujours maintenu sa version avec cohérence. Elle est ici ce fil d’Ariane qui nous guide pendant plus de quatre heures. Les réalisateurs ont également eu une ambition plus grande : celle de porter la voix de Dylan, longuement étouffée, pour recontextualiser un phénomène pré #MeToo : la prédation et l’impunité d’un homme riche, puissant, adoré du tout New-York et partout dans le monde, sur une famille qu’il a fini par briser.

Au-delà des abus sexuels et de l’amour malsain qu’il porte pour Dylan, Woody Allen semble s’apparenter à un loup en prédation entré dans la bergerie, lorsque Mia révèle qu’elle a découvert dans le tiroir du cinéaste des photos de nu très choquantes de Soon-Yi, son autre fille adoptive qu’elle a eu avec André Previn, mineure au moment des faits. L’emprise de Woody, alors âgé de plus de 40 ans, est telle que Soon-Yi se désolidarisera du clan Farrow et finira par épouser le réalisateur quelques années plus tard, sans plus jamais parler à sa mère.

Woody Allen semble s’apparenter à un loup en prédation entré dans la bergerie, lorsque Mia révèle qu’elle a découvert dans le tiroir du cinéaste des photos de nu très choquantes de Soon-Yi, son autre fille adoptive

La machine médiatique se met en place

Devenue une ex-compagne jalouse tentant de salir Woody Allen en l’accablant d’accusations sexuelles complètement délirantes – si l’on se tient à ce qu’affirme le cinéaste – Mia Farrow vit dans la crainte des représailles depuis 30 ans. Cette perverse machination, enclenchée par Woody Allen, lui-même épaulé par son armée de communicants et d’avocats, avait pour but de ne prêter aucun crédit aux propos de Mia Farrow, qui a toujours cru et soutenu sa fille Dylan. La presse, elle, s’est faite le relais voire le meilleur défenseur du réalisateur américain. Cet épisode est bien souligné par Sam Adams, journaliste pour Slate : « Un des passages les plus accablants dans Allen v. Farrow relate comment la relation de Woody Allen avec Soon-Yi Previn avait pris le dessus des Unes médiatiques à l’époque, éclipsant efficacement les accusations de Dylan qui ne pouvaient être présentées avec le même genre de fascination salace. »

Si Allen soutient toujours que la justice n’a jamais trouvé suffisamment de preuves pour l’inculper, le documentaire a le mérite d’être clair et de faire taire tous ses défenseurs. Plus largement, l’oeuvre a le mérite de réveiller nos consciences, de titiller des questionnements que l’on peut enfouir sous l’effet du déni ou du refoulement. Oui, c’est dur de remettre en cause le génie d’un artiste quand on découvre que l’homme derrière lui est un monstre. Oui, c’est tout aussi dur de choisir de ne plus voir ses derniers chefs-d’œuvre au cinéma. Mais garder des œillères n’est pas la solution. On en est convaincus, s’il nous fallait une autre raison que celle de Allen v. Farrow : Woody et Allen ne sont pas deux personnes différentes dont on peut extirper l’art de l’un sans apporter de jugement de valeur sur l’autre.

ALLEN V. FARROW
Réalisée par Kirby Dick, Amy Ziering, Amy Herdy
Avec Mia Farrow, Dylan Farrow, Ronan Farrow
Disponible sur OCS

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