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Myd : « Mon live, c’est comme un séminaire d’entreprise à Ibiza »

Myd : « Mon live, c’est comme un séminaire d’entreprise à Ibiza »

Marin Woisard

Myd, trublion de l’électro français et membre fondateur du quartet Club Cheval, s’offre une tournée d’été portée par son nouveau single Domino, qui s’achèvera par un Olympia très attendu le 27 septembre. Entretien avec un personnage haut en couleurs.

Après 10 ans de carrière, Myd a sorti le 30 avril 2021 son premier album solo, Born a Loser. Reflet de son alter-ego décapant et quelque peu ahuri, le titre de l’album annonce d’emblée la couleur d’un artiste porté au firmament par les sphères du cool, mais né Quentin Lepoutre dans une région lilloise où rien ne semblait l’appeler à dominer les charts mondiaux. Protégé du label Ed Banger, tête de gondole du renouveau de la French Touch, Myd est un personnage attachant au pouvoir de séduction sonore indémenti.

L’outsider du cool

Un savoir-faire artisanal, une vision personnelle du chant et surtout des accidents heureux de composition : les morceaux de Myd portent en eux l’intégrité de tubes pensés comme des anti-tubes. Il suffit d’écouter Moving Men avec Mac DeMarco et son sifflement indolent en guise de refrain, ou la boucle psychédélique façon fête foraine de son dernier-né Domino composé avec Tom McFarland, la moitié de Jungle, pour s’en convaincre. Myd est à rebours des titres lisses et sans âme qui voudraient faire la loi dans l’univers impitoyable de la dance music.

Passé par Cabourg Mon Amour pour sa tournée estivale, Myd se confie à Arty Magazine sur le pari de son live instrumental, mais aussi sa trajectoire ponctuée de réussites et de désillusions, quand certains voudraient le couronner nouveau visage à succès de l’électro à la française. Ni loser, ni winner, Myd ne propose rien de plus que d’être lui-même.

Myd prend la pose sous l’objectif d’Alice Moitié, sa comparse directrice artistique et amie de toujours
Marin : Ça fait longtemps que je suis ton projet depuis ton groupe électro Club Cheval, et lors de tes résidences au Social Club (ndlr, boîte de nuit parisienne et épicentre de la French Touch jusqu’en 2016). Ça te fait quoi de regarder tout ce parcours, rétrospectivement ?

Myd : Je suis content de toutes ces années. Ça prend du temps, mais je me rends compte que toutes ces années ont été utiles dans plein de domaines. Les années avec Club Cheval, je le prends comme une formation de dingue qui m’a appris à bosser en équipe, produire et découvrir ce qu’est une tournée. Je vois ces années comme un apprentissage. Il y a des projets qui se sont arrêtés, d’autres qui ont débuté. J’ai l’impression que quand tu regardes la biographie d’un artiste, le temps écrase les perspectives. On ne se souvient que des points positifs, mais c’est rassurant de se dire qu’une carrière prend du temps à être développée.

M. : Si je te parle de ton groupe Club Cheval, ce n’est pas anodin. Pour la sortie de l’album Discipline en 2016, tu avais déjà préparé un live qui faisait le pont entre musique électronique et formation instrumentale. C’était un entraînement pour le live que tu présentes aujourd’hui ?

M. : Non, parce que je ne pensais jamais faire du live quand j’ai lancé le projet Myd. Ce n’était pas du tout dans les tuyaux, c’est venu à partir du moment où j’ai commencé à chanter sur les morceaux. Je me suis dit que ça n’avait plus trop de sens de faire uniquement des DJ sets. Par contre, quand j’ai commencé la conception du live de Myd, je me suis demandé : sur quoi on a merdé avec Club Cheval et comment faire pour que ça ne soit pas aussi fastidieux ? On a tourné un peu partout dans le monde avec le groupe, mais le set-up était trop gros, il y avait trop de machines, ce n’était pas assez carré. Bizarrement je suis reparti de tout ce qui m’avait déplu pour que le live avec Myd ne soit que du plaisir.

M. : Comment réussit-on à sortir les machines de studio et les proposer sur scène, sans que ça ne soit trop lourd ?

M. : La retranscription d’un album sur scène n’est pas simple si t’essaies de copier avec des machines de scène ce que t’as en studio. Moi, j’ai fait tout l’inverse. Je me suis demandé quels instruments du studio je pouvais emmener sur scène. Plus précisément, j’ai un Juno-60, des pédales Moog, un synthé Moog pour les basses… C’est un peu comme si j’avais pris mes dix éléments de studio favoris, je les emmène sur scène et ça sonne comme du Myd. La preuve, c’est qu’Anouk Amati qui est au clavier et qui chante sur scène avec moi, fait les chœurs sur tous mes morceaux depuis The Sun. Du coup, ça sonne très proche de l’album.

M. : Emmener tes instruments favoris dans un studio simplifié, tu l’avais déjà fait avec Radio Nova

M. : C’est vrai. Après, c’est l’expérience qui parle au fur et à mesure, celle de se dire que j’ai certains outils qui sont indispensables, ou tout du moins super importants, et qui constituent mon son.

M. : Myd c’est aussi beaucoup d’image. En quoi ta collaboration avec la directrice artistique et photographe Alice Moitié t’a permis de construire l’identité de ton projet ?

M. : Étant geek de studio, j’ai parfois du mal à penser à l’image. Il y a des gens qui sont beaucoup plus forts pour ça, les directeurs artistiques. On voit Alice Moitié comme une réalisatrice, photographe et TikTokteuse, mais c’est surtout une excellente directrice artistique. Elle a eu cette vision d’aller chercher ce trait de personnalité pour le mettre en avant, prendre des photos, et le raconter avec humour. Au final, elle a réussi à mettre toutes les facettes de ma personnalité qui étaient déjà présentes dans ma musique en images. Ça m’a aidé de fou.

M. : L’acte fondateur de cette collaboration avec Alice Moitié, c’est ton single All Inclusive.

M. : Me mettre à poil pour la pochette d’All Inclusive, je n’y aurais jamais pensé. Ça me faisait déjà marrer dans la vie de tous les jours de me foutre à poil, de faire rire tout le monde. Le côté vacances, c’est un thème que j’adorais. Elle a pris qui j’étais, et elle a mis des coups de Stabilo avec son Stabilo à elle.

M. : Depuis la plage de Cabourg, on peut voir les navires de croisière du port de de Caen-Ouistreham. Ça te dirait de tourner une suite dans le Calvados ?

M. : Je ne suis pas trop dans le game des suites. All Inclusive est tellement spontané, c’est juste Alice, moi et un iPhone qui allons faire un clip et des photos sur un bateau. J’ai peur que ce soit une mauvaise suite de film, que je sois déçu et que le public aussi.

M. : Cette imagerie qui s’amuse des codes du consumérisme, c’est quelque chose qui t’intéresse d’aborder ?

M. : Bien sûr. Si tu vas explorer comme Martin Parr des choses comme le consumérisme, la mondialisation, le tourisme de masse, tu as deux manières de le faire. Soit tu y vas en se fichant de leur tête, mais je ne trouve pas ça très louable parce que c’est un peu facile de dire : « regardez les beaufs, moi je suis cool. » Nous, on a préféré au contraire voir en quoi je kiffe. On a tous cette part-là d’aimer aller à un buffet à volonté et se gaver. C’est de cette manière-là que j’ai décidé de le faire, en m’intégrant complètement et en voyant ce que j’avais à raconter là-dessus.

M. : Quand tu n’es pas sur un navire de croisière, les vacances continuent en Californie où t’as tourné ton dernier clip Domino réalisé par Robert Carlson. Finalement, le voyage est toujours présent ?

M. : C’est vrai, d’ailleurs j’avais tourné le clip de Together We Stand à Los Angeles. Cette ville vue en tant qu’Européens, c’est la course à la réussite et le cinéma à travers tous ses clichés. Le rêve américain est encore super présent aujourd’hui. Tous les producteurs de musique ont eu, à un moment, cette petite idée de se rendre à Los Angeles. Nous, on s’est dit qu’on allait s’amuser de ça. En même temps, je t’avoue qu’il y a cette esthétique qui fait que quand tu vas à Los Angeles, il y a une lumière magnifique qui en appelle directement à l’été, aux vacances. C’est ce qui m’a décidé à aller tourner le clip de Domino là-bas.

M. : Le clip est très imaginatif sans avoir un budget faramineux avec son circuit miniature…

M. : J’en avais un peu marre des clips qui veulent absolument copier le cinéma, cette course infinie aux effets spéciaux et aux meilleures caméras. On a trouvé Robert Carlson qui nous a accueillis chez lui, on était quatre sur le tournage, c’est-à-dire moi, ma copine, lui et sa copine. C’est comme partir un week-end chez un passionné de Hot Wheels pour l’aider à faire un circuit. C’est un peu ma vie aujourd’hui quand je ne tourne pas, soit je suis en studio, soit je fais des activités marrantes pour me faire kiffer. Ça en était une. Et en plus, ça donne un clip assez excellent.

M. : Tu te définis comme un geek de studio, Robert Carlson et Alice Moitié sont des geeks de l’image. Finalement, c’est toujours un peu entre passionnés que tu trouves un système de débrouille géniale ?

M. : Il faut toujours une bonne balance entre ce que t’as à raconter et le média que t’utilises pour le raconter. Regarde, si l’idée est géniale mais que tu racontes ton histoire d’une manière bancale, ça donne un mauvais film. Si à l’inverse, tu n’as pas grand chose à raconter mais que tu le fais avec les moyens d’une superproduction hollywoodienne, le résultat est toujours nul. Il faut trouver le juste équilibre. La débrouille m’aide parce que ça me permet de me concentrer sur les idées. Et ça me plaît bien. J’essaie que ma musique soit aussi comme ça. Je ne cherche pas la perfection, mais à me concentrer sur les émotions, les mélodies. Je chercher à créer des morceaux charismatiques plutôt que de travailler avec les meilleurs musiciens dans les meilleurs studios.

M. : En entretien, tu évoques aussi l’importance de l’erreur heureuse dans la composition…

M. : Oui, c’est ma manière de travailler. J’ai un set-up qui me permet de créer des accidents, et que cet accident soit la petite étincelle qui entraîne la création d’un morceau.

M. : En 2020, j’ai rencontré Panteros666 (membre de Club Cheval, ndlr) avec la conviction, en sortant de l’interview, que les geeks étaient prêts à régner sur le monde et plus particulièrement la musique. Tu partages ce sentiment ?

M. : Les geeks règnent déjà sur le monde. Tu n’auras jamais quelqu’un d’aussi à fond dans quelque chose qu’un geek, parce que c’est un passionné qui peut y mettre tout son temps, toute son énergie et tout ce qu’il a, au-dessus du reste. Elon Musk, on dit qu’il est fou et mégalo. Mais avant tout, ce gars est passionné de ce qu’il fait, il croit en ce qu’il fait. En musique, c’est la même chose. Regarde, j’y passe toute mon énergie et tout mon temps, je serais malheureux sans musique. Comment quelqu’un dont ce n’est pas la passion peut entrer dans la compétition ?

M. : T’es une version humble d’Elon Musk de la musique.

M. : Non, pas moi (rires).

M. : Ça n’engage que moi (rires).

M. : Mais les passionnés sont prêts à tout donner, c’est comme l’amour, ça ne s’explique pas. C’est au-delà de la raison, au-delà de tout. C’est ce qui fait que ça donne de belles choses.

M. : Question passion, justement. On est à quelques minutes de ta montée sur scène, quel titre prends-tu le plus de plaisir à jouer en live ?

M. : Il y en a plusieurs, ça dépend des scènes et des festivals. Il y a The Sun évidemment, c’est le rendez-vous du show où le public chante. Sinon, il y a Moving Men. On a une version feu de camp pour la scène, quasiment guitare-voix. J’aime bien la jouer, parce qu’en festival à 4H du matin après avoir joué de l’électro pendant trente-cinq minutes, les gens tapent dans leurs mains et se retrouvent tous ensemble dans un camp scout américain. Je trouve ça très mignon, il se passe vraiment quelque chose.

M. : Est-ce qu’il y a un hologramme de Mac DeMarco qui apparaît au milieu du feu de camp (rires) ?

M. : J’essaie justement dans mon set de n’avoir rien de technologique, parce que ça ne me va pas du tout. Au contraire, on reste dans la thématique du concret.

M. : Un petit rituel avant de monter sur scène ?

M. : On est assez bons élèves : on s’échauffe la voix, on chante, on joue, on se donne de la force et on garde la team soudée pour rester concentrés.

M. : Comment décrirais-tu le live pour quelqu’un qui ne l’a jamais vu ?

M. : C’est comme un séminaire d’entreprise à Ibiza (rires).

M. : Qu’est-ce que je peux souhaiter pour ce soir ?

M. : La grosse teuf et surtout qu’il ne pleuve pas (Myd regarde le ciel, il a plu toute la matinée, ndlr).

M. : T’as d’autres dates à venir cet été ?

M. : Oui, j’ai beaucoup de dates. Là, je vais un peu partout en France, puis en Australie en DJ Set (propos recueillis le 26 juin 2022, ndlr). En gros, c’est la tournée Europe qui se termine par une grosse date à l’Olympia le 27 septembre. Ça va être le gros rendez-vous.

M. : On termine par la question signature d’Arty Magazine : quelle est ta définition d’un artiste ?

M. : C’est un passionné qui décide de concrétiser sa passion et d’aller jusqu’au bout du geste de création. C’est la différence entre un passionné qui va s’intéresser énormément à un sujet, et l’artiste qui fait le geste de nous livrer quelque chose.

MYD À L’OLYMPIA

L’Olympia, 28 Bd des Capucines, 75009 Paris
Mardi 27 septembre 2022 à partir de 19H30
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