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Rencontre avec Liv del Estal, la chanteuse qui ré-enchante les amours déçus

Rencontre avec Liv del Estal, la chanteuse qui ré-enchante les amours déçus

Marin Woisard

En 2018, la France la découvre dans The Voice, mais c’est une autrice-compositrice qui s’affirme aujourd’hui avec son mini-album Encore. À la croisée des cultures franco-argentines, Liv Del Estal évoque dans ses chansons flamboyantes son sujet de prédilection : les relations amoureuses. Rencontre.

Une plage, la nuit fraîche d’un mois de juin et Liv Del Estal sur un transat. Comme un petit phare lumineux sur la côte normande. Bourrée d’énergie après son concert à Cabourg Mon Amour, l’autrice-compositrice nous accueille avec un grand sourire. Alors, on sait qu’on est les bienvenus pour prendre la température en grelottant sous la brise océanique. Quelques mots de présentation. Des photos à la volée. Et nous voilà partis.

Brodeuse d’émotions et baroudeuse de continents

Qui est Liv Del Estal ? De la passionnée d’art dramatique passée le Cours Florent, on connaît son rôle de Louise dans la série de Franck Gastambide, Validé. De l’autrice-compositrice franco-argentine, on écoute le chant joyeux des langues de son EP Encore. De la baroudeuse jeune et frondeuse qui n’aimait pas l’école, on la sait passée par l’Argentine, l’Italie puis la France. Mais une fois les projecteurs éteints et le fard à paupières enlevé, on se sait plus rien de Liv Del Estal – ou presque.

Alors, on est revenu à ce qu’on savait le plus d’elle. Des paroles que l’on se passe en boucle dans la tête, des sentiments viscéraux qui nous parlent ; son single Encore. Pour commencer cet entretien, il fallait les lui dire à notre tour. Et ouvrir la communication, par des émotions partagées.

© Saint-Ambroise
Marin : Je t’ai découverte avec les paroles d’Encore : « Je t’ai fait venir et te voilà / Je ne sais plus dire ce que j’ai en moi / Toi parle-moi, Parle-moi. » Un petit problème de communication ?

Liv Del Estal : Quand j’ai écrit Encore, le message était totalement différent du discours amoureux de la chanson finale. C’était un mot écrit à mon père dans un souci de communication, de choses que je voulais lui dire depuis longtemps. J’avais cette lettre que je voulais lui lire et quand il est arrivé, je n’ai pas réussi. Je me suis dit : « C’est fou, je vais lui en écrire une autre. » Et c’est au final comme ça qu’est née la chanson.

M. : Qui est complètement différente de l’intention initiale…

L.D.E. : Je ne parle plus de mon père au bout de la deuxième strophe, ce n’est pas un truc chelou (rires).

M. : Tu as réussi à transformer un sujet très intime en quelque chose qui peut toucher tout le monde. En quoi tes histoires en se mêlant influencent sur ton écriture ?

L.D.E. : De manière générale, elles sont essentielles. Les moments où tu t’emballes amoureusement suivis des désillusions, les coups de cœur puis les ruptures, ce sont les objets premiers de mon écriture. « Le cœur qui dit » est la première des choses qui me tient à l’écriture.

M. : Il y a aussi le travail sur ta voix. Beaucoup de gens t’ont découverte avec The Voice, mais on sent que tu t’es trouvée vocalement avec ton mini-album Encore.

L.D.E. : C’est vrai que l’on m’a découverte avec The Voice alors que je n’étais pas forcément sensible à l’émission. Je n’ai pas la télé. Mon opinion a totalement changé ensuite, et même en sortant je ne me suis pas sentie enfermée dans une case. Les professionnels qui m’entourent ont tout fait pour que mon vrai moi parle, et non celle que l’on a vue à travers son style vestimentaire et sa voix éraillée. Dans ce processus, ça a été très important de savoir qui j’étais, quel était mon ADN musical.

M. : Comment s’est faite la transition de The Voice à tes propres compositions ?

L.D.E. : La transition s’est faite avec le temps et la patience que j’ai accepté de prendre. Tu ne peux pas sortir d’une telle émission et tout de suite composer quelque chose. Je considère être encore un peu jeune et ne pas avoir besoin de courir après la montre.

M. : Tu ne t’es d’ailleurs pas précipitée sur la musique, puisqu’il y a cette autre partie de ta vie où tu as joué dans la série Validé de Franck Gastambide. C’est deux facettes qui peuvent se nourrir entre elles ?

L.D.E. : J’ai tendance à dire que les deux sont indissociables, et que jouer c’est la prolongation de l’interprétation, du chant et du personnage scénique. Par contre, est-ce que ça m’inspire dans l’écriture en tant qu’autrice-compositrice ? Non. Peut-être parce que tout simplement, je n’ai pas encore pu interpréter le rôle qui m’a fait réfléchir et donné cette envie d’écriture.

M. : Dans The Voice, tu as pu sentir la même notion de personnage scénique qu’en tant qu’actrice ?

L.D.E. : Je me sens plus moi sur scène, que celle qui joue l’autre au cinéma. Dans The Voice, c’était moi à vingt ans. Dans les films, c’est moi qui joue dans un film. Je trouve très intéressant ce que dit Pierre Niney à ce sujet : « Il y a toi et le personnage, et c’est un chemin que tu fais de juste milieu. » Tu amènes de toi et du personnage. Tu n’es pas le personnage, tu n’es pas que toi. Mais pour pouvoir vivre réellement ça, il faut tourner beaucoup.

M. : À quand le featuring avec Pierre Niney (rires) ?

L.D.E. : Ah mais il est là, dans les loges. (Liv crie en direction de la loge, ndlr) Pierre !

M. : La singularité de ton projet vient aussi du mélange des langues française et espagnole.

L.D.E. : L’espagnol d’Argentine, c’est venu comme un point d’exclamation. Je trouve que cette langue a quelque chose d’écorché vif et de sensuel, qui permet de dire des choses plus directement que le français, qui est ma langue narratrice.

M. : C’est particulièrement frappant dans Mamacita que tu dédies à ta mère.

L.D.E. : Mamacita est une chanson débordante d’amour pour ma mère, qui m’a eue très jeune et avec qui j’ai une relation très fusionnelle. Je suis franco-argentine et au début, elle ne parlait pas le français. J’ai grandi dans un bazar de langues et de cultures. Pour moi, ça avait du sens de parler d’elle en espagnol.

M. : Et ça t’intéresserait de chanter en italien, que tu parles aussi ? C’est la seule langue qui manque à ton répertoire…

L.D.E. : J’ai très envie de chanter en italien et je chante déjà en italien. Mais j’attends un petit peu, étant donné qu’il y a quand même déjà l’espagnol et le français dans mes chansons.

M. : Autre spécificité, j’ai remarqué que tous tes singles sont écrits en minuscules, à l’exception de La chanson d’Orphée.

L.D.E. : J’aime les minuscules car c’est un rapport direct aux titres. Dans mon agenda, mon carnet de notes et même en écrivant des textos, je n’aime pas mettre de majuscules. Peut-être parce que j’ai lu énormément de poésie dans laquelle la majuscule n’est pas évidente. Je trouve que ces chansons se portent bien sans. Je pense que La chanson d’Orphée en a parce que c’est une reprise.

M. : Qu’est-ce que cette chanson représente pour toi ?

L.D.E. : Le texte est beau et poétique, mais ce n’est pas à cet endroit-là que ça me touche. C’est vraiment un amour purement mélodique, avec cette topline typée Amérique latine. Ça a été une évidence quand je l’ai écoutée : « il faut que je la reprenne en français. »

M. : Quelle place a la mélodie chez toi ? Tu me parles autant d’émotion mélodique que pour les textes en eux-mêmes.

L.D.E. : C’est vrai. Quand j’étais plus jeune, que je ne savais pas encore que mes mots pouvaient être des chansons, j’écrivais des poèmes. Les mots étaient stars. Aujourd’hui, j’ai développé une plus forte sensibilité pour les mélodies qui m’inspirent souvent un récit. Le texte n’est pas secondaire, il arrive dans un second temps. Pour l’EP, ça a été le cas par exemple. J’avais des grilles d’accords sur mon clavier qui m’inspiraient un texte.

M. : Tes singles peuvent naître autrement ?

L.D.E. : Il y a aussi les choses qui m’entourent, qui me plaisent ou me déplaisent, qui ne sont pas métriquement faites comme des chansons, mais dont je me sers pour écrire. Je devrais écrire plus ce que je vois, ce sont de vrais points de départ.

M. : Cabourg Mon Amour pourrait donner une chanson ?

L.D.E. : Si je m’imposais un exercice d’écriture ici (l’interview a été réalisé au festival Cabourg Mon Amour, ndlr), il y aurait sûrement des choses dont je me servirais plus tard. C’est un effort. Écrire ne tombe pas du ciel, je ne crois pas à l’inspiration providentielle. Mais de cet effort peuvent naître de belles choses.

© Saint-Ambroise
M. : C’est quoi ta relation au travail ?

L.D.E. : Je pense qu’on apprend en tombant, en se rendant compte que l’on n’a pas assez travaillé. J’étais une très mauvaise élève à l’école parce que je n’aimais pas ce qu’on m’apprenait, la forme de pédagogie du système éducatif. Quand j’aime quelque chose, je vais me dépasser. Par exemple, le concert de ce soir, que les gens aient aimé ou non, je sais que je l’ai travaillé et que je peux dormir tranquille. Ensuite, je vais prendre en compte les retours et chercher à aller plus loin.

M. : Comment est-ce que tu as fait pour travailler le live, alors que ton projet a commencé en plein confinement ?

L.D.E. : Le travail du live est arrivé récemment. En sortant du confinement, j’ai rencontré le réalisateur musical et producteur Marlon B. (collaborateur de Juliette Armanet, Brigitte, Matthieu Chedid, ndlr), et il m’a fait rencontrer Martin Tames, son assistant son. On a monté le live tous les deux.

M. : C’est quoi la prochaine étape en live ?

L.D.E. : C’est le live tout court. Je me suis rendue compte ce soir que c’était ce que j’aimais le plus. C’était quasiment mon premier concert, j’en avais fait d’autres mais plus réduits.

M. : Et la suite ?

L.D.E. : C’est l’album. Il aura quelque chose de plus punk dans l’attitude, tout en gardant mon amour pour la chanson française. On a joué deux titres en exclusivité pour Cabourg Mon Amour, Panthère Rose et Capricorne.

M. : La panthère rose, pourquoi ?

L.D.E. : C’est une référence à ce personnage d’animation un peu loufoque, énigmatique et onirique. C’est une chanson sur le rêve et une obsession pour une femme.

M. : On termine par la question signature d’Arty Magazine : quelle est ta définition d’un.e artiste ?

L.D.E. : Quelqu’un qui ne se satisfait pas de la réalité.

Encore de Liv Del Estal est à écouter sur Spotify.

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