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Le coup de maître de Netflix : Malcolm & Marie, ou Zendaya la superbe

Le coup de maître de Netflix : Malcolm & Marie, ou Zendaya la superbe

Olivier Fade

Malcolm & Marie, drame intimiste en noir et blanc emmené par Zendaya et John David Washington, est disponible sur Netflix depuis le 5 février. La réussite est totale.

Il existe deux types de films tournés pendant le confinement du printemps/été 2020 dans le monde : ceux qui ont fait du virus le point central de leur trame narrative au risque de tomber dans une représentation quasi-documentaire d’un réel pour le moins ennuyeux – si tu as l’occasion de jeter un oeil à Locked Down, de Doug Liman, tu peux éventuellement faire autre chose – et ceux qui ont employé le manque de moyens matériels et humains pour réinventer le huis-clos intimiste. On te laisse deviner dans quelle catégorie s’inscrit Malcolm & Marie, de Sam Levinson, fils de.

Sam, Zen, John : le meilleur des trio

Sam Levinson, fils de Barry, qui gratifiait le monde de Good Morning Vietnam et Rain Man à la fin des années 1980, admettait s’être longtemps battu contre l’addiction alors que la première saison de son show Euphoria prenait d’assaut les antennes câblées de HBO en juin 2019. Le personnage principal de la série, Rue, pour laquelle Zendaya devenait la plus jeune actrice à remporter un Primetime Emmy, pourrait être la version adolescente de Marie, que la comédienne américaine sublime, encore une fois. On décèle dans chaque regard, chaque effet de diction, toute la maturité que dix années de vie supplémentaires donneraient au personnage de la lycéenne. La saison des récompenses débutant, on ne gênera personne en donnant notre vote à l’ancienne gloire de Disney Channel.

Malcolm & Marie est composé de deux séquences, dont la deuxième de quelques minutes au lendemain matin d’une nuit pour le moins éprouvante. Une petite semaine d’écriture pour cinq jours de tournage, aux premiers jours de l’été : Sam Levinson met à profit toute sa science de la caméra et l’inventivité qui en découle pour jouer sur la longueur des plans et les mouvements qui animent les débats parfois houleux de ses deux personnages. Le débat relationnel, ou la remise en question des fondations d’un couple à l’épreuve d’un oubli de circonstance ; oubli qui révélera, bien sûr, toutes les émotions cristallisées de deux amoureux qui s’aiment « malgré tout » depuis des années.

Une histoire de couple d’une beauté universelle

A couple story aurait pu donner son titre à cette œuvre d’une humanité désarmante, en écho au film de Noah Baumbach qui valait à Scarlett Johansson et Adam Driver de se déchirer pour la garde de leur fils. Zendaya et John David Washington parlent d’amour, de cinéma, de désir. Ils évoquent le déséquilibre fondamental du privilège blanc sans jamais devenir politiques. Malcolm déclame, en pleine nuit, son ras-le-bol de la politisation d’œuvres qui ne peuvent plus aujourd’hui exister comme « simples » œuvres émotionnelles et sensorielles. Ce n’est pas forcément « un noir ou un juif ou un blanc gay qui fait un film, mais un homme qui parle d’amour ».

À travers l’écriture d’un personnage de réalisateur nouvellement auréolé de succès, Sam Levinson s’insurge contre la contextualisation abusive de scénarios pourtant dépolitisés. Chaque film n’est pas nécessairement un brûlot pamphlétaire contre le système. Malcolm & Marie, en l’occurrence, parle d’amour, de cinéma, et, donc, de désir. Malcolm et Marie s’aiment, se disputent, s’avouent des horreurs avant de maladroitement chercher le pardon de l’autre. Un point négatif, s’il faut en trouver un : on pourra regretter que le conflit s’installe peut-être trop confortablement en fin de film, afin d’éviter toute sexualisation inutile et hors-propos – ce qui en soi est une bonne nouvelle, seulement l’approche pèche un peu.

Le sans-faute d’une cinématographie maîtrisée

Une fois n’est pas coutume, la production Netflix est ici heureusement naturelle, et Sam Levinson évite justement l’écueil du « trop lisse ». Le noir et blanc est somptueux, un léger grain sublime les peaux des deux comédiens. Le cinéaste capte leurs visages, leurs corps, leurs mouvements, avec bienveillance et pudeur, soit 1h45 en temps (quasi) réel dans l’intérieur d’une maison qui baigne dans les luminaires du soir.

Le bon point, également, de la plateforme : préciser les titres des musiques lorsque les premières notes ponctuent intelligemment le narratif. Ou « Get rid of him », lorsque Marie tente d’excuser son comportement auprès de Malcolm en imaginant lui arracher un sourire. Soit « Wasted », après que Malcolm remette en cause le bien-fondé de leur relation. Ou encore « Liberation », lorsque, enfin, la tempête émotionnelle nocturne laisse place au souffle salvateur d’une aurore muette et enfin apaisée. De la caméra au jeu en passant par l’ambiance musicale, tout, absolument tout est au service du fil rouge narratif.

Enfin, s’il te fallait une autre raison de te jeter sur cette œuvre magnifique qui deviendra sans aucun doute un classique intemporel, il est possible que le film batte le record d’emploi de « fuck » détenu par Le Loup de Wall Street depuis décembre 2013. Et ça, c’est aussi très impressionnant.

MALCOLM & MARIE
Réalisé par Sam Levinson
Avec Zendaya, John David Washington
Disponible sur Netflix depuis le 5 février

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