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Moussa, roi « Premier » des sentiments

Moussa, roi « Premier » des sentiments

Apolline Pournin

Rencontre avec un jeune artiste à l’aube de sa carrière qui nous a fait onduler en juin dernier avec son premier album sensible et passionné.

Après s’être fait connaître en 2017 avec son sensuel Cabrioli, puis avoir sorti son premier bel EP Surface en avril 2020, Moussa est revenu en juin dernier avec son bien-nommé premier album Premier.

Moussa Fennira, de son vrai nom, est un artiste aux multiples casquettes et facettes : compositeur, interprète et auteur. Surtout, il impose son style qui emprunte au hip-hop, à l’électro et à la pop, mais dont les productions demeurent toujours aussi singulières.

Apolline : Hello Moussa. Peux-tu te présenter pour ceux qui ne te connaîtraient pas ?

Moussa : Je m’appelle Moussa, je fais des chansons que j’écris et compose en français.

A. : Quand as-tu décidé de consacrer ta vie à la musique ?

M. : Je dois avouer que ça s’est fait un peu naturellement. Il n’y a pas eu de révélation, j’ai juste fini par réaliser que c’était devenu ma vie.

A. : Si tu n’avais pas consacré ta vie à la musique, qu’est-ce que tu aurais aimé faire ?

M. : J’aurais aimé faire du foot, je pense. 

A. : Tu déclares sur le titre Loues vouloir “faire le meilleur son possible”. Dans le clip réalisé par Mohamed Chabane, on peut t’apercevoir en train de composer. Quelles sont justement les conditions idéales pour composer à tes yeux ?

M. : Ça s’est vraiment fait comme dans le clip pour Loues, sinon ça peut se passer de mille autres façons. Parfois je suis avec des gens, parfois je suis seul comme dans Loues. Ce titre est arrivé à une période où je me disais : « allez, je fais un son par jour. » Je faisais des choses très simples en marmonnant des yaourts, et de là sont nés des sons : Premier, Neige… Parfois, le processus est long : je vais commencer une maquette qui durera une minute, je ne vais pas la toucher et j’y reviendrai un an plus tard avec un texte que j’ai écrit. La musique appelle parfois les mots.

A. :  Entre écrire et composer, ton cœur penche le plus vers lequel ?

M. : Je n’ai pas de préférence entre composer et écrire, je fais les deux en même temps. Écrire des mots qui ont un sens qui vaillent le coup, qui font du bien et qui se chantent facilement, c’est dur d’y arriver en français. Écrire quelque chose qui, quand tu le réécoutes plus tard, garde une sensation agréable… C’est infernal ! Alors que c’est plus facile de trouver de belles mélodies en musique. Avant je notais toutes les phrases que j’entendais, parce que j’avais peur que ça parte (rires). Il faut être disponible tout le temps pour l’écriture : quand les gens parlent, quand tu regardes ou que tu lis quelque chose. C’est souvent dans les périodes creuses que je vais créer. Le processus est long pour que ça puisse être court.

A. : Tu aimes bien jouer avec les mots dans tes textes, ce qui peut donner l’impression qu’écrire est pour toi fluide et naturel. Est-ce le cas ?

M. : L’écriture est un grand phénomène de compensation, je suis content que ça te fasse cet effet-là. C’est tellement dur, que je cherche à faire ressentir quelque chose de fluide et de naturel à l’écoute de mes morceaux. Qui s’apparente à de la facilité. Maître Gims a une phrase là-dessus : “C’est difficile mais ça a l’air simple. » J’aime bien quand le procédé ne ressemble pas du tout au résultat. 

« Je cherche à faire ressentir quelque chose de fluide et de naturel à l’écoute de mes morceaux. » © Ines Tisseyre
A. : Sur Premier, tu chantes « Jamais à contre-cœur, je nage à contre courant / Ça renforce (ça renforce). » En quoi te sens-tu à contre-courant aujourd’hui ?

M. : Premier, je l’ai écrit dans un environnement où je côtoyais des gens qui faisaient de la musique, et qui étaient plutôt dans une optique de rendements, de viabilité financière, d’efficacité, de scores, de streams. Dans cet environnement, je me sentais complètement à contre-courant, en tant que mec qui était prêt à sacrifier un mois, voire deux mois de sa vie sur un morceau… Je l’ai écrit en réaction à ce que je vivais, au lieu de taper du poing sur la table, en le transformant d’une manière pacifique et productive.

A. : Être entouré au quotidien de gens qui font de la musique, c’est important pour toi ? Ou préfères-tu les « moldus » ?

M. : Entouré oui, au quotidien non. Que mes fréquentations soient des gens de la musique est naturel et ça me va, j’aime bien parler de ce que je fais. Dans la vie, j’adore écouter de la musique, avec mes potes. Au quotidien, je préfère être seul. En ce moment, je fais attention à ce que j’écoute, parce que je considère que tout est influençant. Au quotidien, j’ai besoin de silence et de solitude pour entendre ce qu’il y a à l’intérieur.

A. : Mohamed Chabane de l’Ordre Collectif a réalisé plusieurs de tes clips. Quelle part as-tu dans la direction artistique ?

M. : Franchement très peu, même si de plus en plus. Par exemple, pour mon premier clip Cabrioli, on m’a dit : « tu vas t’habiller de telle manière, tu vas faire ça… ». Je me suis plus impliqué sur mon second clip Vogue Merry, et cela jusqu’au dernier clip (ndlr, Premier, réalisé par Mohamed Chabane) où c’est passé par mon jeu et ma danse. C’était une des premières fois que je faisais ça. J’ai commencé à prendre des cours de danse, j’aime bien quand le mouvement collabore avec la musique. Ça participe à créer des choses que l’on n’entend pas mais que l’on voit, et qui tissent une dimension supplémentaire.

A. : Tu parles souvent d’une citation que j’aime beaucoup de Houellebecq : « Un style émergera forcément de la somme de vos défauts. » Quel est le principal défaut de ta musique ? Et sa plus grande force ?

M. : C’est compliqué comme question, parce qu’un défaut est souvent le revers d’une qualité. Je dirais que ma solitude me permet de faire des morceaux, mais c’est aussi mon principal défaut. Étant seul à faire mes morceaux, je peux les remplacer par autre chose en oubliant ce qui était bien. J’aimerais avoir un deuxième cerveau à qui dire : « j’ai envie de faire ça », et échanger à haute voix avec lui…

A. : Pourquoi ça ?

M. : Quand t’es tout seul, tu peux avoir tendance à te projeter sans rien faire, te décourager et abandonner. Beaucoup de mes morceaux comme Cabrioli et Vogue Merry sont des titres que j’ai mis parfois un/deux ans à réaliser. Je devrais travailler avec un ingénieur, un coproducteur, ou un coréalisateur… Quelqu’un qui soit dédié au projet et que je puisse voir régulièrement pour avancer. C’est compliqué, parce que la musique c’est tellement personnel que je peux vite perdre patience. C’est à la fois ce qui fait la singularité de ma musique, mais ce qui fait aussi que je suis très lent. Je pense que le changement doit s’opérer à l’intérieur de moi.

« Étant seul à faire mes morceaux, je peux les remplacer par autre chose en oubliant ce qui était bien. J’aimerais avoir un deuxième cerveau à qui dire : « j’ai envie de faire ça », et échanger à haute voix avec lui… » © Leïla Macaire
A. : Comment t’est venue l’idée de glisser ton numéro sur le dernier titre de l’album ? Ta boîte de messagerie n’a pas été trop saturée ?

M. : C’est Seb La Frite qui me l’a donnée (rires). La vérité, c’est que j’ai fait des sons avec un ami pour un projet un peu drôle, et ce titre en faisait partie. Je l’ai ressorti un an et demi après, et je me suis dit : « si je mettais mon numéro de téléphone, ce serait la pire et la meilleure idée à la fois. »

A. : Pour terminer, est-ce qu’il y a un projet à qui tu aimerais donner de la force à travers cette interview ?

M. : Oui carrément, je dirais Merwan (ndlr, @merwan sur Spotify). C’est mon ami d’enfance, on fait de la musique ensemble et il est notamment derrière l’instrumental de Surface (ndlr, l’EP de Moussa sorti en 2020). Il n’a pas grand chose encore de disponible, mais il est vraiment fort.

Premier de Moussa est disponible sur Spotify.

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