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Hervé, hyper-actif à suivre d’urgence

Hervé, hyper-actif à suivre d’urgence

Camille Laurens
Hyper. Un titre ambitieux, à l’image de notre société. Être hyper-connecté, hyper-disponible, hyper-heureux, un leitmotiv qui est presque devenu une injonction dans notre société du bien-être. Et pourtant l’album d’Hervé est loin d’être cette machine lisse et préfabriquée. À l’inverse, des sentiments bruts, plein de véracité. Rencontre sans filtres et sans fards.

La terrasse du Petit bain, un lundi après-midi, sous 35°. Les conditions semblent idéales pour notre interview avec Hervé. Décontracté, sourire aux lèvres, et casque à la main, le chanteur commence à connaître l’exercice. Loin d’être rodé, il hésite, réfléchit, se reprend, une chose est sûre, l’artiste veut rester accessible. Loin de choper la grosse tête, sa réflexion est sincère. Lorsqu’il est présent, c’est entièrement.

Et pourtant sa carrière explose, une tournée qui démarre, un album dont les critiques musicales se sont délectés, des clips et des titres léchés. La machine est lancée pour Hervé. Originaire du 78, amoureux des terres bretonnes, passionné de productions, et enfant de multiples courants musicaux, le musicien revient sur les étapes qui l’ont mené à jouer à l’Olympia le 16 novembre prochain. Tout juste sorti de studio où il prépare sa résidence pour les lives à venir – « les rescapés de cet automne », s’amuse-t-il.

Camille : Bon mis à part la chaleur harassante, comment vas-tu ?

Hervé : Ça va, en pleine répétition pour les concerts à venir ! C’est intense. On a décidé de maintenir des dates malgré les conditions et la période compliquée pour les artistes. Un concert c’est un peu un challenge, mais j’ai hâte.

C. Revenons un peu à la genèse Hervé. Un souvenir de ta première claque musicale ? Le frisson des débuts ?

H. Ah ! Il y en a plusieurs mais la plus grosse, c’est Alive des Daft Punk. En vrai à la base, j’écoutais pas trop d’électro, mes potes montaient beaucoup sur Paris, moi non, peut-être que j’avais fait l’effort 4 fois mais c’était pas mon truc. Le tournant ? Quand deux potes qui se sont fait virer de Versailles ont atterri dans mon lycée, à Fontenay, et là, les soirées appart’ m’ont permis de découvrir d’autres sons, un déclic !

C. Donc la French Touch, tu as découvert ça au lycée ?

H. Oui, j’ai commencé à sortir au Social Club vers 17/18 ans, y avait Seba’ [NDLR : SebastiAn], DJ Mehdi et son crew. La révélation! Avant j’écoutais beaucoup de rappeurs, d’artistes français ou plutôt franciliens (rires).

C. On passe comment des rêves de footballeur à musicien ?

H. Dès lors que j’ai compris que je pouvais en faire à la maison, quand j’ai découvert la boucle ! Le foot à domicile c’est plus complexe.

C. La boucle ?

H. Quand j’ajuste un BPM dans une boucle et que cela peut durer autant qu’il y a de place disponible sur un disque dur, je suis devenu fou. J’ai pris un synthé et c’était parti. Le foot j’en avais marre. Très vite, j’ai plus kiffé faire des prods de rap, donc j’ai trouvé un autre moyen d’expression via mes machines, c’était jouissif. J’ai pas eu de groupe de musique avant, genre à la Nirvana et tout, ni de culture rock. Pour moi, ça a direct été des prods pour les potes du quartier.

C. Donc ton duo, Postaal, c’est arrivé bien après ?

H. Complètement. J’avais 22/23 ans, j’étais bien rodé ! On s’est rencontré par l’intermédiaire un pote en studio, j’ai galéré à comprendre ce qu’il disait parce que moi et les cours, et l’anglais, c’était pas trop ça. Mais on a fait un son dans la nuit, le lendemain pareil, et là on a monté notre label en Angleterre, on sort une reprise de Don’t let go, on se fait repérer par un manager, et là c’est le début des tournées.

C. Ça a pris super vite ?

H. Carrément. Dès lors que l’on rentre sur Nova, c’est plié. La presse new-yorkaise, la presse anglaise, on est un groupe électro-indie gospel qui monte, et ça marche plutôt pas mal. Lui, à ce moment là, il avait enregistré Give it Away avec The Shoes, et ça a bien pris. Je garde un super souvenir de cette période, même si j’ai senti que j’avais fait le tour de la prod’ et que j’avais envie de me lancer en solo.

C. C’est quoi les différences en terme de création, lorsque tu es en duo et en solo ?

H. C’est pareil sauf que je chante. J’ai eu besoin d’écrire et pour moi, ce n’était pas possible que quelqu’un le chante pour moi. Surtout, c’était compliqué d’écrire en anglais, j’avais commencé à faire des intros mantriques, comme sur Enfant du siècle, en boucle mais rien d’abouti. J’avais déjà fait de l’image, de la production, donc j’ai gardé les mêmes logiciels, les même tricks, mais j’ai posé ma voix.

C. Tu avais déjà capté que tu avais un grain particulier, des facilités pour le chant ?

H. Non du tout ! Gros coup de poker (rires). Je suis parti de Postaal, et direct j’ai fait mon projet solo.

C. Gros coup de poker mais succès direct ! L’album a la cote, comment tu l’expliques ? Surtout en ce moment…

H. C’est la guerre, en vrai c’est la guerre. J’ai joué hier avec Pomme, Juliette Armanet, PR2B, c’est vraiment chelou. En plus c’est frustrant parce que j’ai eu beaucoup de premières parties avant d’être là.

C. Est-ce que lorsque l’on explose aussi vite, et que tu vois ça, tu as parfois peur d’être un effet de mode ?

H. Non. La chanson, c’est un métier que tu ne peux pas mentaliser, tu n’arrives pas en studio en te disant : « Oh je vais faire un tube ». Si tu es un effet de mode, tu ne peux pas aller contre donc je ne me prends pas trop la tête. Si demain t’es un diesel, tant mieux. Si ça se trouve, l’un de mes sons deviendra un tube dans 5 ans. Là je peux pas encore défendre mes titres sur scènes, mais parfois ça change toute l’énergie.

C. En gros, une carrière ça ne se joue à rien ?

H. Complètement. Un morceau, un concert, une première partie. Moi, ça a été avec Eddy De Pretto, j’ai fait dix Olympias, et deux Zéniths : il a changé ma vie. Y aussi Clara Luciani, Angèle, grâce à qui j’ai pu décoller !

C. J’imagine que c’est frustrant maintenant que c’est ton tour ?

H. Grave. C’est comme si j’avais un gros steak mais pas les frites. D’accord, on se donne du love sur Instagram mais cette relation à distance, elle me laisse sur ma faim. La seule chose qui me fait du bien c’est de clipper et d’annoncer des dates, comme l’Olympia que je maintiens, la scène c’est la base.

C. Ton meilleur souvenir de scène pour l’instant ?

H. Le Festival Fnac Live à l’Hôtel de Ville de Paris. C’était malade, tu te retrouves seul devant 25 000 personnes.

C. Tu as le trac avant de monter sur scène ?

H. Complètement. Après j’ai décidé de prendre les choses comme elles viennent. Je ne sais quasi aucune date à l’avance, même celles de l’automne. Comme ça c’est toujours du plaisir, sans superstition.

C. Et côté studio, c’est quoi ton processus de création ? Tu as des habitudes ?

H.  Franchement aucune. Je suis toujours avec mon ordi mais je n’ai pas de recettes. Pour l’instant tout est si fragile et si beau, c’est le début donc je ne peux jamais savoir si c’est le morceau qui va marcher. Parfois on n’a pas du tout le flair, on pense que c’est raté et paf, il explose ! Y a des moods mais rien de prévisible. Souvent tu te rates sur ceux que tu pensais les plus oufs tu vois, on n’est pas schizos à ce point.

C. On lit beaucoup de critiques sur toi qui insistent sur le côté ultra-sensible, mélancolique, viscéral. C’est quoi ton visu dessus ?

H. Je laisse écrire ! Je m’inspire beaucoup de mon vécu donc c’est sûr qu’il y a une émotion sincère, de l’introspection à la base de mes sons. Je ne suis pas un chanteur à thème, même si j’essaie de plus en plus. Le fond est plus important que la forme, il peut y avoir des punchlines de fou qui ne m’atteignent pas. Si je te résume : quand je n’aurai plus rien à dire, je ne dirai plus rien.

La surprise et l’émotion de Hervé quand il reçoit les vinyles d’Hyper
C. Tu as un rapport cathartique à la musique ? On a un peu ce cliché que les chanteurs à texte doivent galérer, errer des années comme des poètes maudits, alors que toi en 6 mois c’est déjà bien plié, assez fluide…

H. En vrai, ça fait quand même un certain nombre d’années ! Ce n’est pas non plus sorti de nulle part (rires).

C. Tu as peur de la page blanche ?

H. Autant que de la page trop pleine (rires). Il faut une page bien faite, sinon ça ne sert à rien. Donc non, je ne m’angoisse pas plus que ça.

C. Un featuring idéal ?

H. J’aimerais bien avec Jason de Sleaford Mods, un groupe de post-punk britannique.

C. Français ?

H. Plein. Mais le best du best ce serait plus en prod’, allez, une prod de Grime pour Orelsan.

C. Tes inspis sur le disque ?

H. The Streets, The War on Drugs, Mano Negra, Caribou, MGMT, de la pop chiadée pour beaucoup. Et bien sûr Bashung, ma passion qui n’est plus un secret.

C. Sympa ! On te voit pas mal en Bretagne, ça t’inspire ?

H. Pas plus que ça, on me pose pas mal la question vu que j’ai fait mon confinement là-bas, mais j’aime aussi Paname ! En Bretagne, je peux surfer, me poser au resto avec ma famille, clipper. En vrai, j’avoue j’aime bien (rires).

C. Tu répètes souvent que tu aimes bien clipper, c’est important pour toi le visuel ?

H. Totalement ! C’est un nouveau moyen d’expression, j’ai pas mal de bases en montage, je faisais les clips sur Postaal. Mais ce que je préfère, c’est faire confiance aux pros, chacun a ses skills et tant mieux. Maintenant, j’ai appris à lâcher prise, j’écoute ce que les réalisateurs ont en tête et je les laisse driver, je regarde jamais le moniteur, ni les prises. J’ai confiance dans le métier des autres, même si je sais où je vais. J’ai capté qu’il fallait que je laisse chacun s’exprimer à sa manière. Moi je suis auteur-compositeur et producteur, s’il y a des réalisateurs, ce n’est pas pour rien.

C. La suite ?

H. Neuf dates à venir que je prépare à fond, les rescapées. J’espère que les gens seront là. J’ai besoin de contact physique, de mon public, donc hâte.

C. Ton plus grand rêve à venir ?

H. La classique : une VRAIE tournée, des salles pleines, de la chaleur humaine !

Hyper d’Hervé est disponible sur Spotify.

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