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« The Dead Don’t Die », satire politique inaboutie

« The Dead Don’t Die », satire politique inaboutie

Marin Woisard

Présenté en ouverture du Festival de Cannes, le nouveau film de Jim Jarmusch promettait une comédie jubilatoire de zombies servie par un casting XXL : Bill Murray, Adam Driver, Tilda Swinton, Chloë Sevigny, Iggy Pop… Peine perdue : « The Dead Don’t Die » est d’un mortel ennui.

On nous dit de ne jamais regarder les bande-annonces mais la raison en décide souvent autrement. Celle de « The Dead Don’t Die » semblait garantir un divertissement de qualité : Bill Murray et Adam Driver en duo de flics blédards, Tilda Swinton en ninja badass, de l’humour tranchant, une horde de zombies, et la signature iconique de Jim Jarmusch (« Dead Man », « Down by Law », « Only Lovers Left Alive »). On en serait bien resté à la promesse des 2 minutes. Si la distance ironique et le fun barré sont bien au rendez-vous, ils ne suffisent pas à combler les lacunes scénaristiques du film, vaste premier acte où les situations sont posées sans ne jamais être élucidées.

La charmante bourgade de CenterVille est présentée comme un lieu paisible où l’herbe est fraîche, les oiseaux paillent, et la police locale missionnée pour dégoter le voleur d’un poulet. Sous le couvert d’une apparente harmonie, Jim Jarmusch projette les névroses américaines dans une société miniaturisée où évoluent des archétypes de personnages : l’agriculteur trumpiste (Steve Buscemi), la flicette peureuse (Chloë Sevigny), le pilier de comptoir caféinomane (Danny Glover), le geek célibataire (Caleb Landry Jones), les hipsters matérialistes venus de la grande ville (Selena Gomez, Austin Butler, Luka Sabbat). Seul se distingue Bob l’Ermite, interprété par Tom Waits, observateur discret de la vie locale depuis la forêt où il se terre.

L’amorce des enjeux de chacun, pleine de saillies ironiques, est une réussite incontestable. Mais voilà que d’étranges phénomènes vont perturber ce petit monde en vase clos : la nuit refuse de tomber, les montres s’arrêtent, et des zombies se réveillent pour croquer les vivants. À l’origine du dérèglement, le film avance un plaidoyer environnemental : la Terre est sortie de son axe à cause d’une « fracturation hydraulique polaire ». Les téléphones s’éteignent, la télévision devient omni-présente, et l’ombre des fake news plane. Jim Jarmusch combine la toile de fond apocalyptique avec un humour référencé, en recyclant le zombie politique  initié par Georges Romero – les goules errent dans les rues en répétant leurs préoccupations matérialistes passées.

À son tour, le film va s’embourber dans un scénario mortifère. Le discours nihiliste n’a d’égal que le désintéressement progressif du réalisateur pour ses personnages, où les guests finissent dépecés après des apparitions totalement gratuites. La platitude de leur trajectoire ne leur offre jamais l’opportunité de résoudre leurs conflits internes, à l’image de la réplique « Tout va mal finir » répétée inlassablement par Ronald Peterson (Adam Driver) qui donne lieu à une scène méta ahurissante de mauvais goût. La seule en capacité de sauver l’honneur et la ville, la légiste Zelda Winston (Tilda Swinton), disparaît dans un tour de passe-passe dont on vous laisse la déprimante surprise. Un dénouement confus, maladroit, et faussement corrosif. C’est donc ça, un film mort-né.

THE DEAD DON'T DIE

En salles le 15 Mai 
Écrit et réalisé par Jim Jarmusch
 Avec Bill Murray, Adam Driver, Tilda Swinton, Chloë Sevigny, Iggy Pop

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