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Summercamp, la joyeuse colonie de vacances de Rob & Jack Lahana

Summercamp, la joyeuse colonie de vacances de Rob & Jack Lahana

Laure

Vingt ans de carrière côte à côte mais jamais de collaboration en duo pour Robin Coudert, alias « Rob », compagnon de route de Phoenix, et Jack Lahana, musicien et producteur talentueux. Partenaires privilégiés de très nombreux artistes, les deux compères signent (enfin) un premier album, Summercamp, sorti le 10 mars dernier. Ce disque hédoniste, comme ils se plaisent à le dire, est un album résolument pop avec un air certain de « French touch ». Immersion au studio des copains.

Laure : C’est la première fois que vos noms sont associés mais vous vous connaissez bien tous les deux, n’est-ce-pas ?

Rob : Carrément ! On est un duo récemment formé, mais en fait ça fait 20 ans qu’on travaille ensemble. On a produit des dizaines et des dizaines de disques, que ce soit mes disques solo, des musiques de films que je compose, des disques « Jack mix », ou encore des disques pour d’autres artistes. On a à peu près couvert l’ensemble du panel discographique en faisant de la réalisation, de la production, du mixage, et même de la scène puisqu’on a déjà fait des concerts ensemble. Mais aujourd’hui, c’est la première fois qu’on produit un disque que nous avons composé, mixé, enregistré, avec nos deux noms sur la pochette. On est un peu émus.

L. : Pourquoi avoir attendu 20 ans pour mettre vos deux noms sur un projet commun ?

Jack : On fait de la musique tous les jours ici, on a énormément de projets donc on a rarement le temps de se poser. Mais il y a quand même eu un moment où on s’est dit : « Tiens, pourquoi on ferait pas ça en plus aussi ? »

 

R. : Je pense aussi qu’on est arrivés à un moment de notre carrière où on a la liberté qu’on cherche depuis toujours, en ayant notre propre studio d’enregistrement donc notre outil de production. On a la capacité matérielle de faire ce qu’on veut sans trop se poser de questions. A force de produire de la musique tous les jours pour divers projets, on est devenus des monstres de travail. Il y avait une sorte de matière en suspension que Jack a regardé et elle ressemblait à de la musique qu’on aime faire, à un morceau pop. On s’est ensuite mis à avoir envie de danser, puis à mettre des paroles dessus. On a invité des copains, le truc s’est envenimé et ça a donné un album.

L. : Vous avez collaboré avec plein d’artistes sur votre album. Comment êtes-vous allé les chercher ?

J. : On a très vite demandé à Gordon Tracks car on a composé la musique mais on s’est dits que c’était tellement pop que ça ne pouvait pas rester instrumental. Et progressivement, c’est devenu un disque avec plein de copains. Même le choix de notre label, c’est parce que c’est un copain. Tout est une histoire de plaisir, d’amitié et d’amour. Comme entre Jack et moi, nous partageons l’amour de la musique. Et c’est exactement ça qu’on cherche à partager avec nos amis.

 

R. : Notre démarche est hyper hédoniste ! Nous avons fait un album juste pour nous. On en a pas besoin de ce disque, c’est que du kiff.

L. : D’ailleurs, c’est un album qui peut s’écouter comme on veut, étant donné qu’il est sous forme de vignettes musicales.

R. : Parler d’album pour nous est déjà suspect. C’est un ensemble de morceaux qui forment une sorte de chaînon musical et amical, qui n’est d’ailleurs pas fini. Il y a au moins 4 titres qui ne sont pas encore sortis. C’est évolutif.

 

J. : Cet « album », c’est vraiment un moment de joie, sans aucune contrainte, dans lequel on invite des copains.

L. : Comment faites-vous pour choisir ces copains ?

R. : Un peu comme des auteurs de scénarios. Ils écrivent leur script en pensant à un acteur. C’est la même chose pour nous. On travaille en se disant : « Tient, Xavier il serait trop bon sur ce morceau ». On lui fait rapidement écouter le morceau et si on se rend compte que l’ami en question réagit positivement, on lui dit qu’évidemment on avait pensé à lui ! Et le message qu’on envoyait à chaque fois, c’était : « On ne sait pas trop dans quoi on t’embarque ! C’est une espèce d’oeuvre collective qui prend une forme inconnue« .

L. : Avez-vous toujours été disposés à travailler en même temps sur le projet ?

R. : Jack et moi passons 80% de notre vie ensemble, dans ce studio, à faire de la musique. Je vois plus Jack que mes propres enfants !

 

J. : C’est une blague à la maison d’ailleurs.

 

R. : L’inspiration jaillit en permanence, on ne sait jamais ce qui va se passer.

 

J. : Donc au gré des envies et des inspirations de chacun, on se met d’accord. Il y a des moments où Rob s’est retrouvé à travailler seul dessus. Parfois, ça a été moi.

L. : Ce studio, ça fait longtemps ?

J. : 5 ans. Avant, on en a eu un autre pendant 8 ans.

 

R. : Cela fait vraiment littéralement 23 ans qu’on travaille tout le temps ensemble avec Jack.

 

J. : On s’est rencontrés dans un studio et on ne s’est plus lâchés. Au début, on squattait chez les copains quand ils n’étaient pas là, d’autres fois à la maison. Aujourd’hui, Summercamp est le résultat de notre rencontre, de nos idées, et de tout ce matériel.

 

R. : C’est un rêve d’enfant qui se réalise finalement.

Crédit photo : Manuel Obadia-Wills.
L. : Les artistes sont-ils venus enregistrer dans ce studio ?

J. : Certains oui, d’autres à distance.

 

R. : C’est un album international. Le budget Air France était un peu conséquent mais nous avons travaillé avec des gens qu’on connaît suffisamment bien pour leur faire confiance et bosser à distance. On leur envoyait le morceau et eux, la voix.

 

J. : S’ils avaient l’occasion de venir, ils venaient. Mais ce n’était jamais organisé.

L. : Thomas Mars, Sébastien Tellier, Catastrophe… Il y a de très nombreux invités prestigieux sur cet album. Peut-être qu’il va donner envie à d’autres gens de collaborer à cette œuvre ?

R. : Cela a déjà commencé ! Un duo Zaza Fournier / Brigitte fontaine est prévu, un autre Barbagallo / Léo Léonard et j’ai reçu un message d’une chanteuse italienne, Angelica, qui m’a dit qu’elle voulait absolument chanter sur ce disque. Nous n’avons pas de velléités marketing, les plus grosses vedettes sur l’album ne sont pas connues en France. Je pense à León Larregui en particulier, qui est le plus gros vendeur de disques parmi tous ceux qui sont sur Summercamp.

 

J. : Ce que je trouve hyper beau ici est que notre projet a créé des rencontres. Certains ne se connaissaient pas et se sont échangés leurs numéros.

 

R. : C’est une vraie colonie de vacances. On s’est promis qu’on s’écrirait à la rentrée.

L. : Vous avez des collaborations prestigieuses jusque dans vos clips. Je pense à Natalie Portman. Que pouvez-vous nous dire sur les clips qui accompagnent Summercamp ?

J. : Ce sont des gens qu’on a été chercher. A l’origine, on avait une vision encore plus grande que ça mais quand on sort du cadre du studio, les choses ont un coût donc on n’a pas pu tout faire.

 

R. : Comme on travaille dans le cinéma aussi, on avait le rêve d’amener tout notre monde cinématographique dans notre projet musical. C’était clairement un autre budget donc on a dû trouver des solutions. On a fait des clips et Natalie Portman a fait comme les autres qui nous ont suivi dans le projet, elle nous a simplement dit : « Ok je le fais !« .

Crédit photo : Manuel Obadia-Wills.
L. : Cela va-t-il changer quelque chose dans votre processus de création si l’album devenait marketing malgré vous ?

R. : S’il y a un tube dans l’album, on est dans la merde !

 

J. : Non, en réalité, je ne pense pas que cela nous influence pour la suite. Peut-être qu’au contraire, on aura envie de faire quelque chose de très instrumental, pas du tout calibré.

 

R. : Nous sommes vraiment des producteurs de disques, c’est nous qui choisissons tout. Si ça cartonne, ce sera notre choix. On peut aussi prendre la tangente. Le succès est une prison. C’est le début des emmerdes. Tailler sa route en tant qu’outsider est la seule façon de rester libre, d’autant qu’on croule sous les projets.

 

J. : La démarche de désirer le succès est la meilleure manière de se planter. C’est comme en amour : si tu veux être désirable, arrête de désirer, vis ta vie, sois toi-même. On se la paie cette liberté, c’est tout ce travail, tous ces projets.

L. : C’est pas un truc de « gosses de riches » ?

J. : Non, pas du tout, au contraire. On a eu des moments où on squattait à droite à gauche. C’est un cadeau qu’on se fait.

 

R. : C’est l’aboutissement de 20 ans de carrière aussi. On aurait été bien incapables de gérer ça à nos débuts, ne serait-ce parce qu’on aurait voulu que ça marche justement. Cette liberté, on l’a gagnée ! Cela fait 20 ans qu’on travaille pour, qu’on affirme notre volonté de vouloir faire des trucs un peu en marge.

L. : Est-ce encore possible aujourd’hui en 2023 d’avoir un espace de liberté artistique compatible avec les lois du marché et du showbusiness ?

R. : Peut-être que tous ces petits outils merdeux comme Spotify ou Instagram, qui sont, pour notre génération, un peu répugnants, sont des vrais outils de liberté en fait. Tu peux avoir une vraie présence sans que personne ne vienne t’emmerder ! Tu peux avoir une implication personnelle sans que ce soit trop difficile. Il y a vingt ans, ce n’était pas possible. Il fallait aller dans une maison de disques. On en a tous les deux souffert. Aujourd’hui, ce sont les maisons de disques qui viennent nous voir. Si dans le joyeux bordel des réseaux, n’importe qui peut exister alors profitons-en !

L. : Avez-vous un regret sur cet album ?

J. : Quand on a été obligés de le clôturer ! Parce qu’il y avait d’autres morceaux…

 

R. : On a été obligés de faire des choix, de sélectionner des morceaux, sinon l’album aurait été trop long et les gens ne l’auraient pas écouté.

L. : Avec le recul, c’était compliqué de travailler avec les copains ?

J. : Non, parce qu’il n’y avait pas d’objectif. Ce n’était pas une commande.

 

R. : On n’a jamais parlé d’argent. Ce n’est pas un travail dans la mesure où ce n’est pas rémunéré. Tu viens, tu fais ce que t’aimes et c’est tout. Nous n’avons jamais visé le succès.

L. : Il y a forcément des choses qui vont se passer !

J. : A une petite échelle, on s’est retrouvés à jouer des morceaux pour faire de la promo et on s’est éclatés ! Cela faisait des années qu’on n’avait pas fait ça ensemble, en plus sur notre premier projet commun. C’est un peu notre coming out ! On a quand même un peu la certitude que ça va fonctionner pour Rob et Jack.

 

R. : Mais en tout cas, on n’a pas de plan marketing !

L. : Et vos autres projets ?

R. : Il y a le film Acide de de Just Philippot qui va sortir. Le film Quand tu seras grand d’Éric Métayer et Andréa Bescond, le prochain film de Nicolas Boukhrief, une série pour Amazon qui s’appelle Killer coaster de Nikola Lange…

 

J. : L’album de Julien Barbagallo, celui de León Larregui, celui de ma femme Zaza Fournier.

L. : Vous ne vous arrêtez jamais de travailler ?

R. : On ne fait que ça ! Le week-end, on pense au lundi.

 

J. : Il y a un temps où on rentrait à trois heures du mat’ mais maintenant, on a une bonne hygiène de vie et de travail. Pas plus de 10 heures par jour !

 

R. : L’exemple qu’on donne à nos enfants est incroyable. On dit à nos enfants qu’on a envie de bosser et qu’en plus, on le fait avec notre meilleur pote ! On espère donner une bonne image du monde des adultes en tout cas.

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