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Las Aves : « On veut transformer quelque chose de merdique en quelque chose de beau »

Las Aves : « On veut transformer quelque chose de merdique en quelque chose de beau »

Marin Woisard

Le trio toulousain Las Aves a sorti fin août le digne successeur de leur premier album Die In Shangaï qui s’interroge sur les affres de l’amour à l’ère millenial. Notre chronique à la sortie du disque posait la question « Peut-on danser de nos relations merdiques ? ». Las Aves y ont répondu.

C’est un album au titre imprononçable qui restera comme l’un des plus marquants de 2019 : « I’ll Never Give Up On Love Until I Can Put A Name On It » . En 11 morceaux saupoudrés d’énergie rock et de fantasy pop, le trio toulousain Las Aves a redistribué les cartes après leur album Die In Shangaï (2016). Produit par le prince noir du gabber Lucien Krampf, ce nouvel opus qu’ils surnomment le « love album » dresse l’état des lieux de nos relations amoureuses à l’ère d’Instagram et de la frustration généralisée. Un coup de pied dans la fourmilière 2.0 qui nous kicke dans une tornade de sentiments.

Une ode hybride aux amours 3.0 entre pop, rock et techno

Il y a l’ivresse d’une rencontre dans A Change Of Heart et le récit d’une rupture adolescente dans You Need A Dog, mais aussi des sujets foncièrement épineux comme l’avortement dans Baby et les troubles alimentaires dans Worth It. Le constat implacable dressé par sa chanteuse Géraline Beaux est sans scepticisme, au contraire Las Aves insuffle une énergie sous forme d’hymnes épiques qui nous pénètrent par les oreilles, nous touchent au cœur et agitent nos jambes. « Peut-on danser de nos relations merdiques ? » s’appelait notre chronique à la sortie de l’album. On avait envie de leur poser la question. Spoiler : la réponse est oui, c’en est même une obligation.

Marin : Hello Las Aves. Votre premier album était rock et sauvage, votre second plus électro et sucré. Comment cette évolution est arrivée sur la table ?

Jules Cassignol : On est allé naturellement vers ça à la fin du premier album car on écoute beaucoup d’électro. On trouvait ça intéressant de confronter notre sève rock à l’attitude punk dans la production electro de Lucien Krampf [NDLR : producteur du 2nd album]. Il est devenu le quatrième membre du groupe, c’était quelque chose d’assez magique.

M. Vous avez dévoilé votre nouveau setup live le 24 octobre à la Gaîté Lyrique. Comment avez-vous pensé vos productions électro avec votre formation rock ?

J.C. On a bossé pendant huit mois non-stop (rires). À chaque fois on pense que ça va être simple et ça ne l’est jamais. C’est beaucoup de boulot pour trouver une certaine justesse. On vient davantage du rock et du post-hardcore, on voulait intégrer cette dimension avec un batteur présent pour le live.

M. Votre live trouve son équilibre entre des séquences planantes et des drops sauvages. Vous vouliez faire cohabiter douceur et violence ?

J.C. Le concept de l’album c’est la violence de l’amour. On voulait transcrire quelque chose de très sucré, accessible et en même temps assez dur en live. On voulait créer de grandes accalmies à la limite de l’ambient et quand ça pète c’est complètement fou.

M. Vous transcrivez chacune de ces émotions par un genre distinct : l’énergie rock, la douceur pop, la sauvagerie électro-punk de Lucien. Cet album est une somme de vos influences ?

J.C. L’un des bons points de ces dernières années et pour longtemps encore, c’est que l’underground est devenu tellement prolifique qu’on peut y piocher plein d’influences. Il y a 10 ans, on n’aurait peut-être jamais su que Lucien [NDLR : Krampf] existait quand on était avec nos amplis de guitare à écouter Sonic Youth. Les chapelles se mélangent. Les free parties techno et gabber sont les soirées les plus rock et punk que je connaisse aujourd’hui. C’est libérateur que les genres n’aient plus de sens.

M. Cette libération vous l’amenez en dansant de nos relations merdiques ?

Géraldine Baux : Bien sûr, c’est le principe même de l’album. Ça n’a pas été volontaire de faire un concept-album, mais l’une des raisons pour laquelle on fait de la musique c’est de pouvoir transformer quelque chose de merdique en quelque chose de beau. En studio on était encore un peu triste, mais une fois sortis sur scène on danse.

M. Cette danse est contrebalancée par des textes très cash. Vous vouliez nous secouer dans un écrin pop ?

J.C. : C’est clairement sur ce fil d’équilibriste qu’on avait envie de jouer : entre la séduction inspirée de la pop mainstream et y intégrer des éléments chelous et plus dangereux. On sait que certains ne le perçoivent pas forcément, mais on a mis ça dans notre album.

M. Géraldine, t’as fait un aparte sublime à la Gaîté Lyrique en expliquant qu’il fallait assumer tel que l’on est. C’était l’introduction de ta chanson Worth It où tu parles des troubles alimentaires que t’as affronté. Quelle place a eu ce titre pour toi ?

G.B. : C’est drôle que tu parles « d’affronter » parce que pendant très longtemps c’était de l’affrontement. Et au bout de moment, tu l’intègres à ce que t’es et t’arrêtes de patauger dans la mare. Worth It était un morceau pour moi-même, pour me donner ce que je voulais entendre tous les jours. À savoir des mots d’encouragement pour aller mieux. Finalement, on l’a gardé sur l’album.

C’est hyper libérateur pour moi en live de poser ces problèmes au bord de la scène et qu’ils n’existent plus. Je parle au public en leur disant que c’est un espace de liberté pur où t’oublies toutes tes inhibitions. Ce n’est pas juste une relation sincère et bienveillante entre nous et le public, mais entre chaque personne présente dans le public. Si je suis arrivée à dépasser ces choses-là, j’ai envie d’aider d’autres à le faire.

M. Il y a d’autres textes poignants comme Baby qui parle sans détours de l’avortement. La frontalité de l’écriture est arrivée comment ?

G.B. : Sur cet album là en particulier, on a travaillé sur le fait de dépouiller les textes. Au début Baby était très enveloppé de poésie jusqu’à trouver cette phrase extrêmement frontale. On avait besoin que ça aille à l’essentiel, que l’émotion sorte de son voile, et ensuite qu’on la rhabille avec la prod’. L’autotune a été importante sur Baby car ma voix est passée à travers plein d’effets. Elle en est devenue robotique au point où je ne la reconnaissais plus. C’était un truc d’anonymisation comme on voit dans les docus TV. Ça m’a aidé à sortir un morceau le plus honnête et le plus sincère qui soit.

M. Avant de se quitter, vous n’échapperez pas à la question signature chez Arty Paris. Quelle est votre définition d’un artiste ?

J.C. : Quiconque s’exprime de manière sincère est un artiste. Ce n’est pas élitiste, il n’y a pas de don divin pour créer quelque chose d’incroyable.

G.B. : Un artiste arrive à retranscrire des émotions par un langage : que ce soit la musique, une posture ou un comportement. C’est transmettre des sentiments à ceux qui n’ont pas réussi à les verbaliser de cette façon là.

Vincent Argiolas : J’avoue que c’est un peu mystérieux pour moi la notion d’artiste. En tout cas je ne me considère pas comme un artiste. Je le considère comme un terme historique pour définir des personnes qui étaient méga fortes pour faire des trucs nouveaux. Maintenant on pioche dans tout, et si on est un peu malin, on devient un artiste.

G.B. : Maintenant il n’y a plus que des influenceurs (rires).

LAS AVES EN CONCERT

Mardi 18 février à 20H
À la Boule Noire, 120 Boulevard de Rochechouart, 75018 Paris

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