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Adé : « J’ai toujours été fascinée par la musique country »

Adé : « J’ai toujours été fascinée par la musique country »

Anaïs Delatour

Entre Thérapie Taxi et Adé, il n’y a qu’un pas. C’est en effet même pas deux ans après l’acte de séparation du groupe pop rock français, devenu incontournable, que la chanteuse de 27 ans prend le risque de se réinventer dans un projet musical solo surprenant. Son premier album, Et Alors, sorti le 23 septembre dernier, en esquisse les contours en proposant des sonorités folk et country tout en conservant son côté pop qu’on lui connaît si bien. Les mélodies sont mélancoliques et promettent une immersion dans l’Ouest américain. Quant à Adé, il semblerait qu’elle soit déjà à la conquête de son public.

Anaïs : Il s’est passé un an entre Thérapie Taxi et Adé. Qu’as-tu fait pendant cette période ?

Adé : En fait, il s’est passé presque deux ans entre le moment où nous avons acté la séparation du groupe entre nous et la naissance de Adé. On avait dit qu’on arrêtait mais on voulait faire les choses biens donc on a fait un dernier EP et une tournée d’adieu. On a mis énormément de temps à annoncer la séparation officielle mais j’avais déjà commencé à travailler sur mon projet solo. Pendant presque deux ans, j’ai fait mon album toute seule chez moi.

A. : Comment fait-on pour se réinventer après avoir été sur un projet qui a autant cartonné ?

Adé : C’est assez difficile. Je me suis d’abord demandée si je continuais la musique, tout simplement. Puis, j’ai tenté le coup en me disant qu’il y avait toutes les possibilités du monde en termes de genre musical. J’aurais pu faire du heavy métal ou du jazz, d’autant que j’aime beaucoup de choses différentes. D’ailleurs, au début, j’étais un peu perdue.

A. : Et comment as-tu su ce que tu voulais faire ?

Adé : Je me suis vraiment recentrée sur moi et sur ce que j’aime. J’ai fait des playlists, regardé toutes les photos que j’avais sauvegardées, retrouvé les carnets que j’avais conservés. Et j’en suis arrivée à la conclusion que j’aime vraiment la pop, la musique folk et par extension, la country. J’ai donc voulu faire un album hybride qui me ressemble, beaucoup plus que le personnage que j’avais dans Thérapie Taxi qui était un peu obligatoire et voulu avec un côté provoc’ et cru.

A. : N’avais-tu pas peur que ton public t’attende sur le même registre que Thérapie Taxi ?

Adé : Si complètement. Je pense que c’est aussi pour cette raison que mon projet est hybride entre l’hyper pop qui tape sur laquelle mon public me connaît et l’indie qui va parler à moins de gens. Je fais aussi de la musique pour qu’il y ait des gens qui l’écoutent donc il fallait trouver le juste milieu entre les deux.

Adé lors de son trip à Nashville.
A. : Comment as-tu découvert la country ? En allant aux Etats-Unis ?

Adé : Je n’avais jamais mis un pied aux Etats-Unis avant d’aller à Nashville pour finir l’album mais j’ai toujours été fascinée par la musique country. J’ai grandi en écoutant de la musique anglophone. Mes premiers vrais choix musicaux ont été des trucs très pop rock et folk : Neil Young, Bob Dylan… Et en grandissant, j’ai élargi mon répertoire dans ces registres. Je me suis progressivement aperçu que j’étais en fait sensible à certaines sonorités qui m’évoquent une ambiance : l’Amérique, un banjo, un pedal steel, des mandolines… Mais, si j’ai voulu utiliser ces instruments, ce n’est pas pour faire de la country mais pour les sortir de leur registre habituel. Je voulais vraiment les utiliser comme on utilise une guitare. C’est dommage qu’on ne s’en sert jamais pour autre chose.

A. : Tu empruntes à l’univers visuel des westerns, notamment sur ta pochette de disque. Est-ce un genre cinématographique que tu aimes ?

Adé : J’aime beaucoup cet univers visuel. Après, c’est parfois dur à regarder, les westerns ont très fort pouvoir soporifique sur moi (rires) ! En revanche, le côté « grands espaces » m’a toujours attiré. C’est peut-être parce que je suis née et toujours restée à Paris.

A. : La musique folk et la country sont des genres musicaux qui marchent très bien aux Etats-Unis. Penses-tu qu’ils ont autant de place en France ?

Adé : Non, je pense que c’est un peu tard. Ils auraient dû arriver avant. Mais je ne sais pas pourquoi on a un tel cliché en France par rapport à ces genres. Aux Etats-Unis, ils font  vraiment partie de leur culture, avec les cow-boys, les saloons… Et en même temps, je pense que c’est quelque chose qu’on ne peut pas trop comprendre en France. Pour nous, l’univers western, c’est Buffalo Grill !

A. : On parlait tout à l’heure de Bob Dylan, dont on retrouve bien l’empreinte dans ta musique. Quelles ont été tes influences pour ton album ?

Adé : Ma plus grosse influence, même si j’avais déjà bien avancé sur l’album quand je l’ai découverte, est l’album Golden Hour de Kacey Musgraves sorti en 2018. C’est une chanteuse country ultra connue et populaire aux Etats-Unis alors qu’en France, personne ne sait qui elle est.

 

A. : Ton album correspond à un certain état d’esprit, il est très nostalgique. Qu’est-ce qui t’as inspiré l’écriture de ces morceaux ?

Adé : J’aime bien la nostalgie, ou je dirais plutôt la mélancolie. J’aime penser au passé mais c’est rarement pour me morfondre dedans. Je garde beaucoup de souvenirs, j’écris dans des carnets, je colle des trucs, je prends des photos… Ce n’est pas pour revenir dessus en me disant que c’était beaucoup mieux avant, c’est plutôt pour garder un bout du moment que j’aime et être contente que je me le remémore. C’est toujours une mélancolie joyeuse chez moi. Mais je crois que le vrai truc de cet album est de parler du passage à un âge un peu plus adulte. Il est une sorte de bilan de tout ce que j’ai appris jusqu’à présent. Certaines chansons sont des réponses aux questions que je me pose, comme par exemple pourquoi rester dans une relation unilatérale pourrie ?

A. : Dans le champ lexical que tu utilises dans tes morceaux, j’ai remarqué que tu disais souvent que tu avais peur. De quoi as-tu peur ?

Adé : Cela ne m’étonne pas du tout puisque le message que j’essaie de faire passer à travers l’album, et de retirer pour moi-même d’ailleurs, est celui de se confronter à ses peurs et de les dépasser. Dans Tout savoir par exemple, je parle de mes doutes sur ce que je suis en train de faire, la direction que je suis en train de prendre. Je voudrais tellement savoir ce qui va se passer après pour vérifier si je suis bien embarquée ! Mais évidemment, c’est impossible donc il faut se faire confiance. L’idée est d’évoquer mes peurs en me disant que peut-être certaines personnes ont les mêmes peurs et que mes chansons vont les amener à réfléchir dessus. Histoire de donner rien qu’une petite impulsion aux gens.

A. : Quelle est ta définition d’un artiste ?

Adé : C’est assez simple mais pour moi, c’est quelqu’un qui prend des risques : le risque de prendre des risques, de se réinventer et de se dépasser pour faire sortir des choses de lui qui vont parler aux gens. L’artiste peut être un miroir pour les autres et ce, même quand il n’est pas bien.

Adé sera en tournée à partir du 13 janvier 2023.

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