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Interview : Frànçois and The Atlas Mountains, en direct des étoiles

Interview : Frànçois and The Atlas Mountains, en direct des étoiles

Zoé Seignouret

Près de trois ans après Solide Mirage, Frànçois & The Atlas Mountains revient avec son septième album, Banane Bleue, un cocktail doux, amer et sucré à la fois.

Découvert en 2005 avec The People To Forget, Frànçois & The Atlas Mountains revient sur une note toujours plus absurde alliant le rêve et la réalité. Ce projet à la fois introspectif et bleuté est le plus beau voyage que nous pouvions nous offrir en 2021. Les textes portés par l’amour, la tourmente et l’exil font de Banane Bleue l’un des plus bels albums de cet hiver. Les influences multiculturelles, dont le groupe a le secret, nous extirpent d’un quotidien morose pour une déconnexion instantanée. C’est pourtant entre deux écrans que nous avons eu la (mal)chance d’échanger avec Frànçois Marry, le leader du groupe.

Zoé : Coucou Frànçois, ça va ?

Frànçois Marry : Ah oui, j’ai tendu le bâton pour me faire battre (rires). C’est drôle parce que beaucoup de gens me disent encore « coucou » sans faire écho au single. Ma manageuse notamment me le dit beaucoup.

Z. : Que s’est-il passé entre ton dernier LP Solide Mirage paru en 2017 et aujourd’hui ?

F.M. : Pas mal de choses. Solide Mirage est sorti en 2017, je vivais à Bruxelles, j’avais un groupe, on était 4, on était un peu les … chevaliers de l’aventure, on va dire ? (rires), C’était fun. Chacun a fait sa vie, j’ai tenté une aventure parisienne, un peu tiède. Aujourd’hui, je suis installé à Ondres, au sud des Landes où il y a des arbres et l’océan. Côté musique, j’ai aussi sorti un album solo autour de Baudelaire, sous le nom de Frànçois Atlas. C’était une opération un peu plus modeste dans le but de jouer dans des festivals littéraires.

Z. : Ces changements de vie t’ont-ils inspiré ?

F.M. : Pour le moment, je suis installé à Ondres. Ça se sentira peut-être sur un prochain album. J’avais envie de changer un peu d’environnement. J’ai été beaucoup au Maroc où j’ai travaillé avec des musiciens de Gnaoua (musique transe du Nord Maroc). Ces expériences ont forcément participé à l’inspiration.

Z. : Tu as sorti ton single Coucou récemment. Peux-tu nous raconter l’histoire qui se cache derrière ce morceau ?

F.M. : C’est assez explicite finalement : être follement amoureux de quelqu’un, se faire quitter puis recevoir un texto qui dit « Coucou » et on en est là … Alors que cette histoire semblait être beaucoup plus qu’un simple « Coucou ». C’est aussi un titre sur la reconstruction qui suit la rupture et le fait de l’aborder avec beaucoup plus de légèreté. Le texte est un peu amer mais il est contrasté avec sa musicalité qui est très douce et sucrée. Il y a cet aspect « rayon de soleil au travers de la tempête ». Ce titre représente également le quotidien des gens connectés sur leurs téléphones, détourné de manière « sourire en coin ».

Z. : Tu passes d’un univers sensible, romantique et presque fantastique (La Fille aux cheveux de soie, Réveil inconnu, Be Water) à quelque chose de plus amer et réaliste (Coucou). Peux-tu nous parler de cette évolution ?

F.M. : J’avais cette volonté de réaliser quelque chose d’un peu cinématographique avec beaucoup d’obscurité, des lumières assez profondes dans certains titres, voire même fantasmagoriques. J’ai opté dans cet album pour un peu moins de drama, une ambiance plus ancrée dans la réalité, chargée de plein de choses pétillantes. Je pense que l’on retrouve néanmoins cette esthétique avec parcimonie, notamment dans le titre Dans un taxi. Il y a cette ambiance très particulière, et brumeuse. Golden Lips porte également un faisceau de lumières qui traverse les vitres, comme lorsqu’on est dans sa chambre, caressé par les rayons dorés. On retrouve toujours ces ambiances dans ma musique qui donnent une dimension rocambolesque.

Z. : Tu vacilles entre une variété française et une pop aux influences multiculturelles. Quelles sont tes sources d’inspirations ? Quels artistes t’ont marqué tout au long de ta carrière ?

F.M. : Le terme « variété française » m’a toujours fait soit un peu rire, soit un peu peur. J’en écoute très peu, j’ai un peu grandi avec Christophe et Dominique A, mais ce n’est pas vraiment de la variété française. C’est amusant car j’évolue dans le milieu « France Inter » et à la fois, ce n’est pas du tout ce dont je m’imprègne. Je crois que mon lien à la variété française résulte de la poésie qu’on apprenait à l’école, comme les écrits de Jacques Prévert. J’ai un peu des réminiscences de ça.

 

Aussi, le fait de vouloir mélanger les conversations qui nous traversent, les messages qu’on reçoit, ces moments qui nous saisissent sont une forme d’inspiration, qu’on soit dans des cafés ou en promenade avec quelqu’un. C’est comme si le temps s’arrêtait, comme une percée qui te touche mentalement dans ton cœur, dans tes sens et ça peut venir de plein de choses. Je suis souvent happé par la musique quand elle est liée à quelque chose d’impalpable là où peut-être la variété française est trop tangible et trop lisible. J’écoute aussi beaucoup de musique de rituels africains, d’électronique ambient, où les intentions sont un peu moins évidentes.

Z. : Pour la sortie de ton album Banane Bleue, tu appelles ta communauté à participer à la création et incites à partager autour de ta sortie (Opération Blue Banana & Hotline sur WhatsApp). La communauté est-elle aussi une source d’inspiration ?

F.M. : Pas vraiment. En réalité, je suis plus âgé donc je n’ai pas évolué avec Internet. Quand j’étais ado, la communauté se construisait différemment : on allait au cinéma, faire du skate et l’interface écran n’existait pas. J’ai encore du mal à saisir l’essence des gens sur Internet. Je n’ai pas appris à manipuler ces outils. Ce que je propose sur mes réseaux, c’est une ligne directionnelle qui peut donner l’impression d’une communauté mais en vérité j’essaie vraiment de limiter ma consommation d’écrans et de datas. Je livre du contenu car j’adore créer et dessiner mais en termes d’interactions, je suis plus axé sur le monde physique, en allant collaborer avec des artistes en chair et en os.

Z. Peux-tu nous expliquer ce que tu en attends ? Quel est son objectif ?

F.M. : Dans un monde où on est un peu noyés dans l’information, l’idée était d’amener une touche d’inspiration et de matière pour recréer des sensations, des émotions comme celles que l’on a lorsqu’on est dans un café ou en promenade. Je poste pas mal de dessins, de reprises, de montages avec des clips et je veux un peu présenter une extension de mon âme qui pourrait détendre l’atmosphère. J’essaie un peu de me sortir du monde dans lequel on vit où l’intention est un peu écrasante et apporter plus de légèreté. C’est d’ailleurs ce que j’ai voulu reproduire sur la pochette de l’album où je suis très vaporeux et fantomatique. Il y a une antenne qui est déconnectée avec des bananes bleues qui se présentent comme un signal wifi absurde. C’est un peu le symbole d’une navigation dans le monde de la data en mode absurde.

La pochette de Banane Bleue selon Frànçois Marry : « C’est un peu le symbole d’une navigation dans le monde de la data en mode absurde. »
Z. : Tu uses d’une communication assez évasive à travers ce procédé de participation : Opération télé-crochet ‘Demain je monte vers les étoiles’. Est-ce là une volonté de laisser planer le mystère ?

F.M. : Je n’arrive pas toujours à définir l’image que je renvoie sur les réseaux car je ne maîtrise pas tous ces codes. Je suis bien aidé par ma manageuse qui fait le lien entre les dessins que je fais et la manière de les diffuser. Je me sens un peu largué mais volontairement en fait. Je suis un peu décroché du télé-crochet. J’essaie de rire de ce pas de côté.

Z. : Nous avons pu te retrouver sur le premier EP de Aurore de St Baudel en octobre 2020 qui laissait présager ton retour sur la scène. D’autres collaborations sont envisagées de ton côté ?

F.M. : Je suis en train de monter un groupe avec Lysistrata qui est un groupe de rock. On a un groupe ensemble qui devrait s’appeler Park (comme quand tu gares ta voiture ou que tu vas au « park » en Angleterre). Je travaille également avec le producteur Seb Forrester qui est plutôt dans la sphère de la musique club percussive. On a enregistré quelques titres ensemble. J’adore collaborer et échanger avec d’autres artistes et mon alias François Atlas me permet de tester plein de choses et d’enchaîner de manière assez naturelle.

Z. Tu as conçu ce “Bleue Banane” à l’aide de Jaakko Eino Kalevi à la production et par Renaud Letang (Feist, Gonzales, Connan Mockasin) au mix. Comment est née la volonté de collaborer avec ces artistes ? Cela accompagne-t-il une volonté de sonorités euro-culturelles ?

F.M. : Ça a toujours été primordial de travailler avec des producteurs qui ne parlaient pas français. En me détachant de l’intention portée par la variété française, mes producteurs ne sont pas appelés par mes textes mais uniquement par leur ressenti sur le morceau.

 

Avant, je travaillais beaucoup en groupe mais j’avais envie d’essayer une nouvelle manière de produire. Jaako Eino Kalevi et moi sommes signés dans le même label (Domino). J’adorais sa musique et j’avais envie d’essayer de créer, cette fois-ci, avec un producteur inspiré. Je suis allé allé le voir à Berlin et on a testé cette manière de fonctionner. Renaud Létang m’a paru évident parce que Connan Mockasin (rires). J’aime beaucoup cet artiste. Il y a quelque chose d’assez absurde dans son projet qui se propage comme un parfum. C’est à la fois très clair et insaisissable et c’est ce que je recherchais comme équilibre, quelque chose de très net, dessiné et en même temps, tu ne sais pas trop si ça rit ou si ça pleure. D’où le choix de Renaud au mixage.

Z. : Vois-tu Banane bleue comme une sorte de carte postale retraçant un voyage du cœur à travers l’Europe ?

F.M. : Oui un peu, j’ai l’Europe au cœur, j’ai sillonné. J’étais souvent curieux d’aller visiter, j’aimais bien toutes ces aventures européennes. Il y a ce truc en Europe où tu peux être à la fois dépaysé et te sentir chez toi, il y a cette sensation où tu te sens dans une zone de confort, tu sais où tu vas, tu as des repères. J’aime bien cette impression de pouvoir flâner en comprenant ce qui nous arrive, ça me fait sentir comme dans un roman, ce que j’ai voulu retracer quelque part dans cet album.

Z. : Comment te sens-tu impacté par la situation sanitaire ? Que pouvons-nous te souhaiter pour la suite ?

F.M. : Je trouve que mon dernier clip Tourne Autour le raconte très bien. On est un peu encapsulés, il y a ce côté un peu science-fiction dans ce que nous sommes en train de vivre. Mais je ne le vis pas trop mal et quand je créé, je suis souvent dans un paysage intérieur, donc j’ai assez l’habitude de voyager là-dedans. J’adorerais vivre la musique humainement et jouer en extérieur. J’espère que ces conditions de concerts reviendront prochainement. N’étant pas un grand fan du Skype, j’ai hâte de pouvoir me reconnecter avec des amis de longue date. En attendant, je continue à jouer, à improviser avec mes amis musiciens. J’ai même récupéré un piano donc je vais pouvoir m’amuser.

Z. : Enfin, notre question signature chez Arty Magazine, quelle est ta définition d’un artiste aujourd’hui ?

F.M. :Je suis très touché, par exemple, lorsque j’entends des récits de ma musique qui a traversé l’existence de gens car c’est pour ça qu’on le fait. L’idée est d’un peu transformer l’air qui nous entoure. Je dirais qu’un artiste est un transmetteur d’énergie.

Banane Bleue de Frànçois & The Atlas Mountains est disponible sur Spotify.

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