Home Ciné #05 : « À bout de souffle », le premier film époustouflant de J.-L. Godard
Ses origines ardennaises lui font aimer la bière belge autant…
Pendant toute la durée du (re)confinement, Arty te propose ses Home Ciné, un lieu convivial où nos rédacteurs et journalistes présenteront leurs films préférés. Ceux qu’ils ont vu à 6 ans, ceux qu’ils ont découvert suite à leur première rupture amoureuse, ceux qu’ils dévorent avec un paquet de chips chaque dimanche soir depuis dix ans… Bref, tous ces films de leur vie qu’ils souhaiteraient te faire découvrir, là, maintenant.
Aujourd’hui, Camille nous présente À bout de souffle, de Jean-Luc Godard, 1960.
Polar, film d’amour, hymne à la liberté et à la spontanéité ? Jean-Luc Godard fait valser en pleine France gaulliste les codes de mise en scène du « cinéma à la papa » pour donner naissance à un nouveau courant cinématographique. Ce film – pur concentré de nouveautés – propulse Jean Seberg et Jean-Paul Belmondo au rang d’icônes de la Nouvelle Vague. 60 ans après sa sortie, ça n’a pas pris une ride.
Film noir ou romance des temps modernes
Si Godard a dit vouloir faire un film de gangsters, il comprend au montage qu’il est surtout question d’amour dans son premier film. Caméra à l’épaule, improvisations, dialogues ciselés sur le vif, tournage en extérieur, lumière naturelle : du jamais-vu dans le paysage du cinéma français des années 60. Même si Chabrol avait ouvert la voie avec Le Beau Serge et Truffaut avec ses 400 Coups, c’était au tour du franco-suisse de montrer ce que le nouveau cinéma d’auteur avait dans le ventre. Il en ressort un film iconoclaste, faisant l’effet d’une grosse claque, qui secoue encore les spectateurs aujourd’hui par son énergie, sa vitalité et son audace. Ce long-métrage fait penser au concours Lépine. La nouveauté, une fois inventée, semble d’une déconcertante simplicité. Mais encore fallait-il y songer : le film est un ovni artistique au ton irrévérencieux, aux accents mélancoliques.
Bebel, emblème de la Nouvelle Vague
L’autre ingrédient de ce cocktail détonnant tient en trois syllabes: Bel-mon-do. Ce nom chantant révèle un jeune acteur cabotin à la démarche souple de félin. Avec sa carrure athlétique, son nez épaté d’ancien boxeur, sa cibiche visée à ses lèvres charnues, Jean-Paul se démarque des jeunes premiers de l’époque. Plus sympathique et suave qu’un Delon aux traits trop lisses de ténébreux, le physique de Jean-Paul ne raflait pourtant pas tous les suffrages. Sa gueule ne revenait pas à son prof, le comédien Pierre Dux, au Conservatoire d’Art Dramatique, qui disait : « Avec la tête qu’il a, il ne pourra jamais prendre une femme dans ses bras…». Et pourtant.
À bout de souffle, ce n’est pas que la qualité du jeu osé de deux vifs-argent qui ont marqué l’Histoire du cinéma. S’esquisse en filigrane une déclaration d’amour à Paris, cette ville Lumière qui, en 60 ans, a bien changé. C’est un voyage dans le temps où les déambulations diurnes et nocturnes dans une capitale en noir et blanc suscitent un plaisir inénarrable. Et si tu n’es pas rassasié après ce visionnage, il est toujours possible de flâner rue Campagne-Première à la recherche de l’esprit de Michel et Patricia, personnages comme toi et moi, épris d’indépendance et de liberté.